L’expérience numérique de la Bibliothèque publique locale de Nivelles. Le point avec Virginie Romeo, bibliothécaire dirigeante

Partages en reconfinement

Publié le 30 mars 2021, par Sylvie Hendrickx


Une année de crise sanitaire et de confinements successifs ont amené les bibliothèques à une adaptation constante de leurs services et animations. De ce lot de contraintes et de ce climat d’incertitude est née la volonté, pour certaines, de mettre en place de nouvelles approches professionnelles dans le but de garder le lien avec leurs publics.

S.H. Les contraintes liées à la crise sanitaire ont conduit les bibliothèques à se tourner davantage vers les pratiques numériques pour maintenir le lien avec leurs usagers. Comment s’est positionnée la bibliothèque de Nivelles ?

V.R. Comme de nombreuses bibliothèques, il nous est apparu primordial de nous inscrire résolument dans cette dynamique, non seulement pour maintenir le lien avec nos usagers mais aussi pour contribuer à augmenter la visibilité des bibliothèques sur la toile. Ce positionnement en phase avec l’évolution de la société correspond à une envie qui était présente chez nous depuis un certain temps et que le confinement nous a amené à concrétiser : montrer que les bibliothèques peuvent également être présentes et créatives dans cette sphère numérique où on les attend moins ! Pour cela, la bibliothèque de Nivelles a la chance de compter une importante équipe d’animation ! Car s’emparer de ces outils numériques de façon suffisamment professionnelle nécessite du temps et de la préparation en plus d’un investissement dans du matériel de qualité.

S.H. Qu’avez-vous mis en place concrètement ?

V.R. Une première étape a été la création de notre chaine Youtube pour y proposer des lectures d’albums et des coups de cœur littéraires sous forme de courtes vidéos. Une fois à l’aise avec cette technique, nous avons proposé des vidéos plus longues consacrées à des ateliers « Do it yourself » (DIY) pour enfants mais aussi pour adultes (par exemple, la capsule « Réaliser son doudou en feutrine » dans le cadre de l’opération « La nuit des bibliothèques »). Et enfin, dernière étape, nous avons reprogrammé une série d’animations en distanciel via l’application zoom : ateliers d’écriture, Comité de lecture ado,… Parallèlement, la création de ces contenus vidéos nous a permis d’alimenter les réseaux sociaux où nous sommes davantage présents et que nous avons diversifiés : Facebook, Instagram mais aussi Pinterest où nous relayons nos capsules DIY.

S.H. A l’heure où les choix culturels sont de plus en plus influencés par les réseaux sociaux, voyez-vous l’action accrue des bibliothécaires sur ceux-ci comme une évolution positive résultant de la crise ?


V.R.
Tout à fait, les bibliothèques sont restées trop longtemps déficitaires en termes de visibilité numérique. Or, elles ont une véritable place à prendre ! En effet, les bibliothécaires sont par essence des médiateurs. Leur plus-value réside dans l’accompagnement et l’ouverture culturelle à l’inverse, par exemple, des « recommandations d’achats personnalisées » générées par de grandes entreprises comme Amazon qui limitent les horizons de découvertes à des fins commerciales.

S.H. Ces outils, s’ils ont le mérite de toucher différents publics, ont cependant leur limite en raison de la fracture numérique.

V.R. En effet, l’impact le plus négatif de ce confinement concerne évidemment les publics fragilisés. Ma crainte, c’est que les personnes éloignées de la lecture que nous avions pu toucher via des partenaires comme « Lire et Ecrire », les maisons de jeunes,… n’aient rompu trop longtemps le lien avec une pratique qui pour eux ne va déjà pas de soi. L’approche de ces publics doit se faire dans la continuité et en présentiel et il y aura là un important travail à reprendre à la base dès que nous le pourrons. Nous nous attendons également à une énorme demande au niveau de l’accompagnement en EPN. En effet, bien que nous partagions via notre chaine Youtube des tutoriaux très basiques consacrés aux outils numériques, nous avons conscience de ne pouvoir atteindre efficacement via ces canaux des personnes justement déficitaires dans ces pratiques.

S.H. Malgré cet important bémol, quel bilan faites-vous de ce déploiement vers des modes variés de transmission et de partage de la culture ?


V.R.
Notre bilan est très positif car nous avons un retour réel par rapport à ces actions, de la part de nos usagers bien entendu mais pas uniquement. Les outils de partage numérique nous permettent en effet non seulement de maintenir du lien mais aussi de toucher des publics qui ne viennent pas en bibliothèque. C’est pourquoi, nous souhaitons poursuivre ce travail dans le futur, y compris lorsque nous pourrons à nouveau ouvrir nos portes au public. A nos yeux, il est en effet indispensable que cette évolution du positionnement numérique des bibliothèques perdure au-delà de la crise sanitaire. Dans notre monde en mutation, présentiel et distanciel se complètent pour nous permettre de remplir pleinement nos missions.

S.H. Dernièrement, vous avez également proposé à vos usagers une expérience singulière de lecture de poésie par téléphone. Un autre canal de communication non plus numérique mais néanmoins original ! Qu’en est-il ?

V.R. En effet, pour la Saint Valentin, nous avons imaginé l’animation « Du bout des lèvres ». Il s’agit de proposer des lectures de textes littéraires liés à l’amour : des textes doux, poétiques, ou parfois un peu plus piquants suivant les choix de l’usager ! Nous aurions pu proposer ces lectures en ligne à destination de plusieurs internautes mais nous avons privilégié le téléphone qui induit une relation différente, plus individuelle et intime. Au travers de cette animation comme de nos partages numériques, l’enjeu reste cependant le même : être là où on ne nous attend pas pour garder du lien et diffuser la culture de manière créative, en s’emparant de tous les moyens à notre disposition !