Le Tour des abandons

Publié le 9 avril, par Françoise Vanesse


Gillet Isabelle et Nys-Mazure Colette, Le Tour des abandons, Invenit, 2024

Depuis quelques années, les musées révolutionnent joyeusement leurs plages horaires, ouvrent en soirée et convient les visiteurs à des événements inhabituels : le tout dans une évidente perspective d’ouverture à de nouveaux publics et à une mutualisation des offres culturelles. Le MuFIm (Musée de Folklore et des Imaginaires) de Tournai, installé en plein cœur de la ville depuis 1930 dans une bâtisse typique du XVIIᵉ siècle, fait partie de ces institutions muséales qui s’affranchissent de toute conception stéréotypée et osent le changement. En effet, à la fois Maison tournaisienne et Musée de folklore, le voici aujourd’hui, non seulement un relai de la vie d’autrefois mais une ouverture aux artistes contemporains. Ceux-ci, grâce à différentes installations, nous invitent à ne pas rester cloisonné dans la tradition mais bien à « nourrir les flammes » qui peuvent en jaillir... Tout en lien avec cette dynamique, voici ce petit ouvrage, au titre de prime abord un peu énigmatique, Le Tour des abandons, qui propose de faire écho à une visite insolite et noctambule entre les murs de cette emblématique institution. Une déambulation amoureusement et savamment contée par deux personnalités fortement ancrées dans le monde culturel et littéraire, passionnées par l’art sous ses différentes formes, amies de surcroît : l’autrice et philologue Colette Nys-Mazure, toujours si attentive, dans ses écrits poétiques et essais, à glaner les petits instants de vie impromptus, à réveiller le quotidien et à récolter jusqu’à ses plus ténus témoins, afin de célébrer leur dimension existentielle et salvatrice. Et Isabelle Gillet, commissaire d’expositions et professeure des universités en France, également auteure d’essais littéraires dont l’anthologie Le Goût des musées avec Serge Chaumier (Petit Mercure de France, 2020). C’est donc dans une optique d’édification de passerelles, que les deux complices sillonnent pendant une nuit les salles de ce musée : formidable terrain d’exploration. A l’ombre des cinq clochers, les voici curieuses et facétieuses aussi parfois, tissant à la faveur de la nuit, un texte à la fois instructif et sensible, réveillant tous ces objets endormis au son de leurs interrogations, et aussi, surtout de leur imaginaire. Des vagabondages bien singuliers qui donnent envie de percer ce titre énigmatique et de s’abandonner à la rencontre de l’histoire de la cité tournaisienne, de ses vestiges mais aussi de ses contemporains…