Regards croisés sur de la plume au pinceau

La double vie de Vermeer

Publié le 5 novembre 2007, par Gérard Durieux


Un roman écrit avec précision et jubilation sur un rocambolesque et captivant épisode de l’histoire récente de la peinture.

GUARNERI Luigi, La double vie de Vermeeer, Actes Sud 2006, Babel 2007

Han Van Meegeren est un peintre traditionaliste hollandais de la première moitié du XX° siècle. Les critiques alors en vue de son pays ne le ménagent pas. Dépité et vengeur, il forme le projet de démasquer leur incompétence et surtout de prouver au monde son propre génie créateur.

Alors, pendant des années, il s’investit dans un projet audacieux et ambitieux : non seulement produire un faux, mais créer un chef-d’œuvre d’une très haute valeur esthétique et historique. Il y parvient en 1937, avec Le Christ à Emmaüs, salué par les experts honnis et bernés, comme «  le » chef-d’œuvre absolu et inconnu du grand
maître VERMEER.

Il sera accusé de collaboration et de trahison après la guerre, pour avoir vendu un « trésor culturel » de son pays au maréchal Goering. Il préfère alors avouer la falsification. Condamné pour escroquerie, il meurt peu après, en décembre 47.

Guarneri, écrivain italien déjà auteur de romans et de biographies, romance avec précision et jubilation, les faits de ce rocambolesque, captivant et « inquiétant » épisode de l’histoire récente de la peinture.

Erudit sans lourdeur, habité par un plaisir manifeste de transmettre qui sait ménager ses effets, l’auteur mène l’enquête avec la fantaisie et la minutie de son modèle de faussaire : de la technique picturale à l’aveuglement infatué des experts de renom ; du mensonge des financiers à la fragilité des jugements esthétiques. En passant par la mégalomanie de certains amateurs ...

Mais aussi, surtout, la passion du créateur pour son art.
Et l’insoluble question du beau, avec au cœur du livre, une lecture passionnante de la mort de Bergotte, une des scènes les plus allusives et métaphoriques de toute la Recherche de Marcel Proust.