Firmin. Autobiographie d’un grignoteur de livres

Regards croisés sur de la lecture avant toute chose

Publié le 9 novembre 2009, par Gérard Durieux


Un roman à l’humour amer et ravageur qui, avec sagesse et humanité, plaide finalement pour le respect des différences et rend un vibrant hommage aux valeurs de l’écrit.

SAVAGE Sam, Firmin. Autobiographie d’un grignoteur de livres, Actes sud, 2009.

«  La lecture nourrit l’esprit : encore faut-il avoir faim ! » affirme Firmin, le rat philosophe, rêveur et érudit qui se raconte ici. Né à Boston dans les sous-sols d’une librairie poussiéreuse, au cœur du quartier décrépit de Scollay Square voué à la démolition par les tenants du profit, à tête lourde, il compense une image de soi négative en remâchant, mastiquant avec compulsion des milliers de pages : chaque livre à un gout propre, sucré, aigre, amer, aigre-doux, rance, salé, acide... « Bon à manger, bon à lire » devient son critère esthétique.

D’un appétit orgiaque, compulsif, Firmin avale ainsi toutes les grandes œuvres de la littérature. Fan de Fred Astaire, accro aux séances de nuit du cinéma Rialto tout proche, il brûle d’être écrivain sans aller plus loin que la première phrase qui donne le ton de notre fable : « Voici l’histoire la plus triste qu’il m’ait été donné d’entendre ». Car si Norman Shine, le libraire qu’il observe et admire chaque jour du haut de son nid de pages, devient son idole, il finit par le trahir en attentant à sa vie. Dépité, déçu par les humains, malade, il est recueilli par son voisin Jerry Magoon, écrivain marginal de science-fiction, alcoolique et bricoleur taciturne mais heureux. Ce passionné d’Hemingway va l’initier au Jazz et le réconcilier avec l’amitié. Le récit gagne alors en intensité et en émotion jusqu’à l’ultime pathétique pirouette.

Sam Savage , jeune auteur de 65 ans, après avoir été prof, mécanicien, charpentier, pêcheur et imprimeur, réussit ici un premier roman drôle, à l’humour amer et ravageur, marqué au coin d’un certain fatalisme. Ce texte de sagesse et d’humanité plaide finalement pour le respect des différences et rend un vibrant hommage aux écrivains. Firmin, véritable rat d’auteur, nous livre une ode originale au plaisir de lire et aux valeurs de la fiction : « Il n’est pas nécessaire de croire aux histoires pour les aimer ». A bon entendeur !