D’autres vies que la mienne

Regards croisés sur nos coups de coeur

Publié le 24 août 2009, par Gérard Durieux


Un récit grave mais limpide qui évoque avec pudeur et humanité le combat d’hommes et de femmes dont la vie a croisé le malheur.

CARRERE Emmanuel, D’autres vies que la mienne, P.O.L, 2009

Délaissant le narcissisme érotique de Un roman russe (P.O.L, 2007) qui avait laissé perplexe plus d’un lecteur,
l’auteur retrouve ici la force et la simplicité de son bouleversant récit « L’adversaire » (P.O.L, 2000). Cette fois encore, mais avec une empathie plus sentie, il a choisi de se mettre à l’écoute d’hommes et de femmes dont la vie a croisé le malheur aveugle : Delphine et Jérôme perdant leur enfant à Noël 2004 au cours du Tsunami qui déferla sur le Sri Lanka ; Juliette, sa belle-sœur vaincue par le cancer ; Etienne, son collègue, juge d’instance pour les affaires de surendettement et lui aussi « en état de guerre totale ». Cela donne un « livre d’amour » irrigué par une profonde tendresse, qui aborde sans théorie et sans tabou, les énigmes ultimes... La vie, une passion inutile ? Comment tenir debout devant l’innommable et la mort ? Quel serait donc le secret du lien amoureux ?

Au fil de pages justes et sensibles, l’auteur nous livre avec pudeur et grande humanité les traces du combat de ces protagonistes et leur combat contre la maladie et la mort, leur désarroi, leurs deuils et leurs défaites. Il laisse entendre leur cri souvent si digne. Et si ces « autres vies que la sienne » l’amènent à se demander ce qu’ il fait devant le malheur d’autrui, elles le renvoient aussi à son propre bonheur d’homme épargné, jusqu’à lui donner l’audace de ce modeste aveu empreint de paisible gratitude : « une vie réussie c’est vieillir avec celle qu’ on aime ».

Oui, comme il l’affirme, tout est vrai dans ce livre grave sans être pesant : ce regard et ces mots de musique limpide sont bien ceux d’un vivant, d’un amoureux étonné de la vie. Et ils sont contagieux.