Reflets
Actualité de l’édition religieuse francophone
Publié le 10 février 2011, par
A l’heure actuelle, une importante mutation touche le monde de l’l’édition religieuse qui, loin de se limiter comme par le passé à d’imposants ouvrages spécialisés de théologie ou d’exégèse, livres pieux et traditionnelles vies de saints, donne le jour à des livres de plus en plus diversifiés. Quel chemin se frayer au cœur de cette production qui reste importante, plus de deux mille titres par an, mais qui par son ouverture et sa diversité, risquerait de désorienter...
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Un climat morose. Dur, dur...!
Nul ne s’en étonnera, les quelques dizaines d’éditeurs religieux se cherchent dans un climat que l’on dit plutôt morose. Il va de soi que les problèmes du livre en général se posent aussi dans ce secteur très spécifique : concurrence des médias, désintérêt marqué pour la lecture... Mais plus singulièrement encore, d’autres facteurs entraînent une érosion notable du lectorat croyant : la lente déchristianisation et l’effondrement des grandes institutions privent le secteur de son public traditionnel. Vieillissant, il ne se renouvelle pas. A quoi s’ajoute l’abaissement du niveau de culture religieuse des lecteurs potentiels dont une bonne part est devenue étrangère aux connaissances de base requises pour la compréhension d’ouvrages quelque peu pointus. Certains éditeurs avouent également leur difficulté à trouver des auteurs à la fois compétents et susceptibles de mettre leur propos à la portée des attentes réelles de la majorité des lecteurs encore intéressés...
Mais ça bouge...!
D’où apparaît, entre fermetures, restructurations, regroupements et créations nouvelles, une édition religieuse en fragilité chronique, traversée par divers courants structurels. Mouvements souvent commandés par l’argument économique certes, mais également assortis d’une franche recherche en vue de s’adapter aux changements et de renouveler, rajeunir, préciser et ajuster les politiques éditoriales.
Car le fait religieux continue d’intéresser et la recherche de sens est bien réelle. La demande se modifie. Aussi la production tend-t-elle fort heureusement à se diversifier, voire à foisonner en une salve de collections et de formats nouveaux : on parle de 2000 nouveautés par an. Mais les thèmes religieux se diffusent aujourd’hui en sortant considérablement de l’orbite de la doctrine et des traditions religieuses.
Sans pouvoir les citer tous, les éditeurs religieux francophones, anciens et nouveaux, s’activent donc à qui mieux mieux, emportés par une rotation rapide (Bayard des Assomptionnistes, Cerf des dominicains, DDB-Lethielleux, Mame, L’Atelier... Mediaspaul, Ad Solem, Salvator...). Auxquels s’ajoutent ponctuellement les généralistes intéressés par ce marché et qui surfent sur la vague : (Seuil, Albin Michel, Fayard, Plon, Stock, Flammarion, Grasset...). Novalis et Bellarmin au Canada ; Parole et silence, Labor et Fides en Suisse complètent l’ensemble. Des maisons d’édition liées aux nouvelles communautés (Nouvelle Cité, Emmanuel, Béatitudes...) diffusent elles aussi des textes plus consonants avec leur sensibilité spirituelle.
En Belgique plus particulièrement, on retiendra les trois éditeurs d’inspiration jésuite : Fidélité, Lessius et Lumen Vitae, respectivement présents dans les paroisses, la théologie de haut niveau et la catéchèse.
Autour et alentour
On ne peut faire l’impasse sur le rôle important joué dans le domaine religieux par les pages spéciales des journaux (La Croix, La Libre, Dimanche...), par les recensions des revues (Panorama, La Vie, RiveDieu, L’Appel, Reliures, Le monde des religions...), par les innombrables sites internet d’information, de formation et de vente, les émissions de TV et de radio... Tous contribuent pour leur part à la promotion et à la diffusion des livres qu’ils conseillent. Certains libraires spécialisés (Siloé, La Procure, l’Uopc...) invitent aujourd’hui des auteurs à des rencontres pour parler de leurs livres.
Enfin, plusieurs prix littéraires distinguent périodiquement des œuvres de qualité : (prix des écrivains croyants, grand prix catholique de littérature, prix de littérature religieuse, prix humanisme chrétien, prix du livre de spiritualité...).
Bref, la planète de l’édition religieuse tourne avec ses tendances et ses stars, de mode ou de fonds.
Un paysage nouveau
Là où autrefois ne fleurissaient que d’imposants ouvrages spécialisés de théologie ou d’exégèse, quelques livres pieux, des vies de saints ou des aperçus d’histoire de l’Eglise, abondent à présent une multitude de propositions... à en perdre la foi ! Impossible d’entrer ici dans le maquis des genres (identité chrétienne, sciences humaines et foi, livres de catéchèse, spiritualité, biographies et témoignages, religions, exégèse, Écriture Sainte, questions de société, fictions et romans, BD...). Alors, sans prétendre à l’exhaustivité, esquissons modestement les contours d’une reconfiguration du paysage, repérable par le quidam, autour de trois pôles vis-à-vis desquels chaque éditeur se positionne différemment en fonction de sa tradition ou du lectorat visé (public-cible).
Tout d’abord, notre époque s’ouvre résolument à la diversité des philosophies et religions du monde. Les ouvrages de tous calibres se multiplient pour informer au mieux tous les âges ou pour faire dialoguer et se rencontrer les points de vue différents. L’heure est à la confrontation des visions du monde, des sagesses, des spiritualités, laïques ou religieuses : Bouddha et Jésus, le franc-maçon et Monseigneur...
Autre tendance lourde et porteuse autour de la thématique : « Christianisme et société moderne ». Chemins du questionnement à propos de la pertinence, de la viabilité de la foi chrétienne face aux requêtes de développement personnel, face aux enjeux éthiques, aux problèmes sociaux et politiques : croyance et sciences humaines, foi et psychologie, religions et sociétés, l’homme dans l’univers, la bioéthique et l’écologie, la vieillesse et la mort, la violence, l’éducation... Bref, « Que peut me dire la foi sur mon chemin d’humanité » ?
Une proposition très conséquente s’attache enfin à décliner l’identité chrétienne et s’adresse aux croyants qui veulent comprendre, approfondir et nourrir leur foi, pour la vivre et la célébrer. C’est le rayon des témoignages contemporains, des commentaires bibliques renouvelés, des ouvrages dévotionnels relookés, des textes spirituels de la tradition ou d’écrits plus récents, des vies de saints revisitées ; de réflexions sur la prière, le pardon et la compassion, les sacrements ou la vie de l’Eglise...Avec en prime une volée de dictionnaires d’abécédaires, d’encyclopédies sur le Christianisme. En somme, « Chrétien qui es-tu ? »
Des figures de proue
Cette prolifération orchestrée permet assurément de nouvelles découvertes. Exit l’abbé Pierre, Sœur Emmanuelle, Mère Térésa...
Ici aussi l’édition est en voie de « peopelarisation ». Mais ici aussi des auteurs s’imposent par leur qualité propre comme des locomotives. C’est leur nom qui fait vendre et lire. Dans un désordre voulu, retenons subjectivement : M.Bellet, A.Grün, T.Radcliffe, F.Lenoir, L.Basset, G. Ringlet, Guillebaud, M. Balmary, J. Arènes, E. Bianchi, S. Pacot,R. Girard, A. Rouet, H.Küng, E. Leclerc, M. Zundel...
Mais encore : F.Cassingena, J.Monbourquette, R. Scholtus, B.Lobet, C. Nys-Masure, C. de Chergé, B. Ollivier,S. Weil, M.A Santaner, A. Wénin, J. Vermeylen, P. Bacq, I. Berten...
J’en oublie des tas, dites-vous ? Bien sûr. Chacun(e) y ajoutera les siens. Allons, l’édition religieuse n’est pas encore morte ! Si vous en doutez, poussez donc la porte d’une librairie spécialisée... Sans oublier, bien entendu, les sections « Religions » de nos bibliothèques publiques très bien représentées au sein de notre association.
Gérard Durieux
