Lisez-vous le belge ?

Publié le 9 janvier 2023, par Sylvie Hendrickx


En cette fin d’année, pour la troisième édition consécutive, la campagne « Lisez-vous le belge ? » initiée par le PILEn en vue de soutenir la chaîne du livre, nous invite à célébrer la diversité du livre francophone de Belgique . A cette occasion, des membres de la FIBBC et d’autres sympathisants nous livrent chacun leur coup de cœur !

Romans

ABEL Barbara, Les fêlures, Plon, 2022
Coup de cœur de Fabienne Willems, Bibliothèque publique libre de Visé « Bibli 2000 asbl »

Dans ce roman, Barbara Abel s’empare d’un grand classique de la littérature : Roméo et Juliette. Transposés au 21ème siècle, ils deviennent Martin et Roxane, lui promis à un bel avenir dans la société financière familiale, elle étudiante en médecine. Ils forment un couple parfait malgré leur différence de classe sociale. En effet, Martin est issu d’une famille très aisée tandis que les parents de Roxane sont des artistes ratés. Le roman s’ouvre sur la découverte du suicide par injection létale de morphine du jeune couple, mais Garance, la sœur aînée de Roxane, arrive à temps pour sauver sa jeune sœur. Dans cette nouvelle version, Roxane survit donc à son Roméo. Au début, comme elle reste mutique, le lecteur n’aura que des éléments extérieurs à ce drame à se mettre sous la dent pour comprendre pourquoi ces deux âmes soeurs ont décidé de mourir ensemble. Qui a entraîné l’autre dans sa chute ? Est-ce que Roxane a réellement souhaité mourir ou est-elle coupable de meurtre ? Alternant entre passé et présent, Barbara Abel va gratter le vernis de chaque individu, nous dévoilant petit à petit que les apparences sont parfois trompeuses, que chacun a des failles, des fêlures. Un thriller psychologique glaçant et passionnant dans lequel les personnages vont parfois prendre le lecteur à contre-pied, ce qui fera voler ses certitudes en éclats.

BORTOLIN Claire, Moi, Roberta, Éditions Lamiroy, 2021
Coup de cœur d’Agnès Michel, Responsable communication au Séminaire de Tournai

Admise dans une maison de repos après une mauvaise chute, pour quelques semaines seulement pense-t-elle, Roberta passe son temps à lire et à écrire. Immobilisée, elle entame un carnet de bord dans lequel elle porte un regard tantôt caustique tantôt bienveillant sur ses nouveaux compagnons de vie, couche ses réflexions nostalgiques et anxieuses de vieille dame en fin de vie et revit quelques épisodes de sa longue existence. Un jour, elle fait la connaissance de Gustave dont le visage ne lui semble pas étranger, et c’est la plongée dans l’horreur de leur passé commun.
Claire Bortolin a pendant de nombreuses années mis sa plume de journaliste au service de l’actualité locale. Elle a ensuite travaillé dans le secteur de la communication, poursuivant toujours le même objectif : donner à comprendre. Après s’être distinguée dans des concours de nouvelles, elle propose ici son premier roman. Celui-ci, dans un style vivant, observateur et poétique à la fois, nous emmène dans un quotidien qui se vit au ralenti : celui de cette maison de convalescence. Et quand les jours passent lentement, on a le temps de regarder autour de soi, de penser au passé, de relire sa vie… Aussi, ce cadre de repos apparent permet à la protagoniste de laisser remonter à la surface les souvenirs du passé qu’elle prend le temps de décrire dans son journal. Mais, au fur et à mesure de cette retraite forcée, certains moments plus douloureux feront surface suite à une improbable rencontre qui la confrontera à une des périodes les plus névralgiques de son parcours…

FRANÇOIS Rose-Marie, Au soleil la nuit, MaelstrÖm reEvolution, 2021
Coup de cœur de Christine Hardy, Bibliothèque publique de Ferrières, implantation de Xhoris

S’il est bien une injustice qu’il faut réparer, c’est de mettre en lumière cette autrice, pourtant prolifique, auprès du grand public. Rose-Marie François, c’est du concentré de dynamisme et d’intelligence ! Cette pétillante dame, auteure d’une quarantaine de livres, prodige des langues étrangères (elle en parle huit couramment et se débrouille dans une quinzaine !) a été honorée par de nombreux prix (Charles Plisnier de poésie, de la Pensée Wallonne, du Hainaut, triennal de prose de la Fédération Wallonie-Bruxelles et triennal d’écriture théâtrale en 2021). Très tôt passionnée par les rapports entre les femmes et les hommes, la question de leur égalité et par la culture lettone, Rose-Marie François reçut de l’Université de Riga, en septembre 2003, le prestigieux titre de Docteure Honoris causa. Au soleil la nuit nous plonge au temps du flower power. Été 1969, deux amies de faculté partent chacune de leur côté en voyage dans des directions opposées : Marie-Jeanne, artiste et bibliothécaire, prend la direction du Cap-Nord, Marie-Anne part en concert à travers le Sahara. La première ne reviendra jamais. Pär Håkansson enquête sur cette disparition et donne une inflexion inattendue au récit qui se déploie comme un mille-feuille… Accident, suicide, meurtre, la découverte des nouvelles rédigées par la disparue jette le trouble. Peut-on faire de la fiction sans parler de soi ? Entre polar et thriller psychologique, ce roman surprendra le lecteur par sa finesse, sa poésie et son caractère profondément original.

HECQUET Olivier, Les mots des morts, Ker éditions, 2022
Coup de cœur de Simon Godfroid, Membre FIBBC

Récompensé par le Prix Polar 2022 de la Foire du livre de Bruxelles, ce premier roman d’Olivier Hecquet met en scène une intrigue policière à l’ancienne et pourtant riche en originalités qui nous plonge dans les coulisses du monde de l’édition. Dans les beaux quartiers de Bruxelles, un riche éditeur et sa secrétaire sont retrouvés assassinés. Pour résoudre cette enquête, le commissaire Oscar Quethec devra se plonger dans les romans tâchés de sang trouvés sur les lieux du crime et affronter un douloureux épisode de son passé. Grâce à cette astucieuse mise en abyme où l’enquêteur devient lecteur, Olivier Hecquet trace un véritable jeu de pistes à travers la capitale, de ses quartiers chics à ses recoins les plus interlopes. Pour le plus grand plaisir du lecteur, l’auteur joue avec lui jusque dans le nom donné à ses personnages et parsème son écriture sobre et efficace de nombreuses références littéraires et artistiques, notamment à l’œuvre de Félicien Rops et Jules Barbey d’Aurevilly. En mêlant habilement réalité et fiction, Olivier Hecquet trace le portrait d’une ville, mais aussi d’un homme coupé en deux, luttant contre les fantômes du passé pour retrouver son identité et une certaine forme d’apaisement. L’intrigue d’une réelle originalité et les personnages attachants qui la composent ont tout pour séduire un public amateur du genre et en quête de nouveaux auteurs belges à découvrir.

LAMARCHE Caroline, La fin des abeilles, Gallimard, 2022
Coup de cœur de Françoise Vanesse, FIBBC

Ce récit s’articule autour d’une relation entre une fille, la narratrice, et sa mère nonagénaire. Cette femme au tempérament davantage autoritaire que mielleux, autrefois apicultrice chevronnée et lectrice passionnée, se voit atteinte de cécité et n’est plus que l’ombre d’elle-même. Au cœur de sa demeure désertée, une éclaircie néanmoins surgit : la relation d’accompagnement de fin de vie, intense mais certes ambivalente, entre mère et fille. Celle-ci, malgré le terrain affectif devenu aride, est à l’affut d’une évocation tendre et sereine sur son enfance mais ce sont les doléances qui souvent s’invitent… Caroline Lamarche réussit ici une prouesse car, contrairement au tempérament parfois réfrigérant de sa protagoniste, l’auteure reste vigilante à ne pas entrainer le lecteur dans un récit d’où le noir et la désillusion sortiraient vainqueurs. En effet, ces pages nous immergent dans tout ce qui constitue l’ambivalence des sentiments. Ainsi, se dessine en filigrane, le portrait d’une femme en certains aspects attachante car combative et, finalement, attentive à ses proches. Enfin, si cette description occupe la majeure partie de ce récit, là ne réside pas son seul pan d’action. En effet, tout en lien avec la thématique du vieillissement, l’auteure distille quelques dégénérescences actuelles : qu’elles soient d’ordres écologiques comme la disparition des abeilles ou sociétales avec l’effritement de nos soins de santé. Concluons enfin par un sujet cher aux bibliothécaires car cette lectrice atteinte de cécité conservera, jusqu’au bout, sa soif de littérature et ce, grâce aux livres audio de « La Lumière »…

LAMARCHE Caroline, L’Asturienne, Impressions nouvelles, 2021
Coup de cœur de Myriam Radoux, Réseau des bibliothèques communales de Chaudfontaine

Caroline Lamarche, aux origines belfagétaines (Beaufays) déroule la saga de sa famille apparue à Liège au début de la révolution industrielle et pionnière de la métallurgie du zinc dans la province espagnole des Asturies. Arpentant une époque qui annonce le grand capitalisme et son cortège d’inégalités, elle raconte les travaux et les jours de ces aventuriers, à la fine pointe d’une Europe
qui nourrit encore des rêves d’expansion. Les fortes personnalités qu’elle aborde, les voix féminines qu’elle relaie, l’hommage rendu à un père qui lui a ouvert le chemin des archives, font d’elle l’héritière éclairée d’une légende familiale passionnante et dense. Les témoins vivants qu’elle sollicite bousculent le tableau et en questionnent les pans cachés dont elle rend compte avec lucidité, consciente d’être égarée entre deux mondes.
Récit d’une romancière et essayiste belge incontournable, ce livre nous en apprend énormément sur notre histoire sidérurgique wallonne à travers anecdotes et archives de personnages attachants.
La touche écologiste et humaniste de cet ouvrage est vibrante.
Un livre indispensable et des années de travail pour un résultat qui laisse sans voix.
Un hommage vibrant d’une fille à son père et à ses aïeux. A lire, à relire et à offrir !

MABARDI Veronika, Sauvage est celui qui se sauve, Esperluète, 2022
Coup de cœur de Sylvie Hendrickx, FIBBC

Dans son dernier livre, sans doute le plus intime et le plus bouleversant, Veronika Mabardi entreprend un chemin de mémoire sur les traces de son frère adoptif coréen, Shin Do Mabardi, décédé inopinément à l’âge de 31 ans. A travers une succession de courtes tranches de vie chronologiques, l’auteure déroule l’histoire familiale depuis l’arrivée de ce jeune enfant dans leur famille jusqu’à la brèche ouverte par sa mort accidentelle. Celle-ci emportera définitivement le lot d’inconnues qui auront émaillé cette personnalité, combien attachante, mais certes insondable et au passé nébuleux. Confrontée à cette épreuve et à ce vide, il aura fallu vingt ans à l’auteure pour nous livrer ce récit douloureux, mais si lumineux dans son expression du lien fraternel qu’il constitue notre coup de cœur. Puissant chant d’amour tout d’abord, il célèbre cette merveilleuse rencontre du hasard et la profonde connivence née au sein de cette fratrie métissée. Questionnement ensuite avec ces pages vibrantes sur les luttes intérieures de ce frère meurtri par le déracinement et l’abandon originel. A travers son combat pour trouver sa place, l’auteure soulève la thématique des blessures de l’adoption internationale et la violence symbolique de nos sociétés envers ceux qui peinent à s’y insérer. Enfin, Veronika Mabardi clôt magistralement ce récit sur l’évocation de l’expression salvatrice de l’art dans la vie de son frère. Celui-ci explorait ses doutes identitaires à travers une série d’autoportraits émouvants, dont quelques-uns illustrent ce livre, d’une justesse saisissante et d’une tendresse infinie.

PIRARD Nathanaëlle, Sally, Murmure des soirs, 2021
Coup de cœur de Noëlle Willem, Centre de documentation de l’Ourthe moyenne à Rendeux

L’auteure est née à Liège en 1978, elle enseigne le français à des jeunes de 15 à 20 ans et Sally est son premier roman. Ce qui m’a attirée en premier lieu dans ce livre, c’est de lire le nom de « La Roche-en-Ardenne », ville dont je suis originaire, en quatrième de couverture. Cela m’a tout de suite intriguée. Ensuite, découvrir un premier roman est toujours excitant.
L’histoire nous entraine entre Bruxelles et La Roche-en-Ardenne où l’héroïne, Sally, une fille de quinze ans, vit ses contradictions et affronte ses points d’ombre. Secret familial, alcoolisme, solitude sont les thèmes traités sans pathos dans cette quête moderne. Le parcours de Sally sera jalonné de différentes rencontres qui vont jouer un rôle important dans sa découverte d’elle-même. Elle trouvera la force d’élucider son passé sur lequel sa mère avait posé une chape de plomb. Libérateur ! Nathanaëlle Pirard nous offre un premier roman au ton vif et généreux.

VALASSIDIS Alexandre, Au moins nous aurons vu la nuit, Scribes, 2022
Coup de cœur de Benjamin Milcamp, Centre Multimédia Don Bosco à Liège

Le premier roman du liégeois Alexandre Valassidis est aussi mystérieux que son titre. Dans Au moins nous aurons vu la nuit, l’auteur qui a d’abord fait ses armes en poésie sous le pseudonyme de Louis Adran, brouille les pistes d’un récit énigmatique. Dylan a disparu ; on ne sait pas exactement s’il a été enlevé, comme la rumeur le laisse penser, ou s’il est parti de son plein gré. Toujours est-il que Dylan n’est plus là pour accompagner le narrateur dans ses errances nocturnes. Alors, sans doute pour ne pas perdre totalement sa trace, celui-ci remonte le fil de leurs souvenirs communs, bat en pensée les trottoirs de leur banlieue, dans laquelle tout semble destiné à rester figé ou à mourir. Dans cette succession de chapitres aussi brefs que les phrases qui les composent, Alexandre Valassidis dresse avec une poésie envoûtante le portrait incomplet d’un jeune homme que personne, à commencer par lui-même, n’a jamais pu totalement cerner.

Nouvelles

Fenêtres sur court , Espace Nord, 2021
Coup de cœur de Colette Nys-Mazure, poétesse et autrice

Chaque année, La Fureur de lire nous fait cadeau de plaquettes tirées à 25.000 exemplaires. Je reconnais certaines écritures, j’en découvre d’autres. Je les glisse dans la poche, le sac, la valise ; je les passe, je les perds parfois. Dommage ! Pour son numéro 400, Espace Nord a eu la bonne idée d’en proposer une anthologie : Fenêtres sur court. Dès l’abord, le titre m’a séduite : ces Fenêtres au pluriel et ce rappel d’un film culte de Hitchcock. La couverture ensuite : une fille de dos, cheveux au vent face à l‘immensité qui évoque Jules Renard : Quand je pense à tous les livres qu’il me reste à lire, que de bonheur m’attend !
J’aime la nouvelle, sa concision, sa densité, la liberté qu’elle laisse au lecteur, aussi je me suis littéralement jetée sur ce livre ; il met l’eau à la bouche rassemblant tant d’écrivains et écrivaines de chez nous. Regroupées par thème - La compagnie des bêtes, De grandes expériences, La guerre des mondes et Des Histoires de familles - elles offrent une diversité d’approches et de styles franchement réjouissante. Sans doute ai-je mes coups de cœur mais l’ensemble est réussi, stimulant. Courez à la librairie la plus proche !

Essais et documentaires

DE BORMAN Sandrine et LAFON Marie, Le Tarot des plantes sauvages, Tana Editions, 2022
Coup de cœur de Valérie Detry, Animatrice FIBBC

Tisser un lien sensible avec les plantes et entrelacer les regards sont des thèmes qui m’inspirent depuis des années ! Rien d’étonnant que je sois tombée sous le charme des superbes empreintes végétales, tout en finesse, luminosité et poésie, réalisées par Sandrine de Borman : cette artiste belge, ayant vécu en résidence artistique dans le domaine du jardin botanique de Meise et, parallèlement, amie des bibliothèques où elle expose ses herbiers poétiques. Dans ce magnifique Tarot des plantes sauvages, fruit de longues méditations et immersions avec 22 plantes pour se reconnecter à elles, Sandrine nous révèle leur essence en utilisant la technique japonaise oshi-zomé et unit sa démarche artistique organique, originale et écologique, à celle de Marie Lafon, herboriste et poétesse. Ce livre coup de cœur est à la fois un apprentissage du voir et une initiation à la rencontre sensible avec les plantes sauvages pour se mettre à l’écoute de leur enseignement. En effet, chacune ne possède-t-elle pas son secret, sa manière de nous accompagner dans les étapes importantes de la vie ? Amoureux(ses) des bains de forêt, de cueillette sauvage, ce livre d’écritures végétales sera pour vous, tour à tour, un précieux guide pour vos balades, voyages intérieurs d’éveil à soi et source de poésie.

HOTTOIS Gilbert, La science-fiction. Une introduction historique et philosophique, Vrin, 2022
Coup de cœur de Stanislas Deprez, Bibliothèque du Séminaire de Tournai

Parmi les nombreuses publications relatives à la science-fiction (SF), ce livre de Gilbert Hottois, professeur de l’ULB décédé en 2019, se démarque par une approche originale et pointue en proposant une introduction historique et philosophique à ce genre littéraire. Ainsi, la première partie permet de redécouvrir la genèse de ce genre à travers deux pionniers : Hugo Gernsbach, l’inventeur et le promoteur de la SF américaine, technologique et optimiste ; et Maurice Renard qui voit dans la SF une littérature philosophique interrogeant les limites de l’humain. La second partie remonte plus loin encore et passe en revue nombre d’auteurs considérés comme des ancêtres de la SF : de Démocrite à H.G. Wells en passant par Mary Shelley ou Jules Verne… La troisième partie détaille enfin les évolutions du genre. De la SF du Golden Age (1920-1950) technoscientifique et apolitique à la réaction New Wave (1960-1970) qui voit dans l’espace intersidéral l’occasion d’explorer l’intériorité psychique et les relations interhumaines. Et jusqu’à l’avènement dans les années 1980 du Cyberpunk décrivant des mondes désabusés, peuplés de cyborgs et d’intelligences artificielles. La valeur de cet ouvrage est rehaussée par une préface où Jean-Noël Missa retrace le parcours de son ami et collègue Gilbert Hottois et montre combien son attrait pour la SF était indissociable de sa recherche philosophique.
Ce livre donnera envie de se replonger dans la SF et de (re)découvrir l’œuvre de ce grand spécialiste de bioéthique, de philosophie de la technique et du transhumanisme que fut l’auteur.

LECLEIR Stefaan, Sur les pas du Cardinal Nguyen Van Thuan, Le Laurier, 2022
Coup de cœur de Perrine Kostermans, Bibliothèque du Séminaire de Namur

Docteur en théologie, Stefaan Lecleir a été directeur de la bibliothèque du Séminaire de Namur et enseigne aujourd’hui à l’Université catholique de Yambio au Sud Soudan. Dans cet ouvrage, il retrace
la vie du cardinal vietnamien François-Xavier Nguyên Van Thuân (1928-2002), personnalité empreinte de justice et de paix, emprisonnée pendant treize longues années par le régime communiste et qui ne renonça jamais à partager son espérance, notamment à travers la publication d’une dizaine d’ouvrages. En s’appuyant sur les souvenirs d’une personne proche, sa sœur Élisabeth Nguyen Thi Thu Hong, l’auteur livre un portrait particulièrement sensible et humain de cet homme intelligent, grand lecteur et doté de beaucoup d’humour, toujours optimiste, très attentif et généreux envers les autres. La première partie de cette biographie raconte sa vie et son message. La deuxième évoque son milieu familial. La troisième récapitule les événements historiques particulièrement mouvementés qui ont entouré sa vie (le régime communiste, la guerre du Vietnam, la deuxième guerre mondiale, la guerre d’Indochine, ...). D’une grande humanité et d’une impressionnante force de résilience, le cardinal Van Thuân peut être un symbole de justice, de paix et d’espoir dans ce monde en souffrance.

TREKKER Annemarie, La vie secrète de nos objets. Pourquoi il ne faut pas tout jeter, Kiwi, 2022
Coup de cœur de Catherine Renson, Bibliothèque centrale de la province de Luxembourg

Entre anthropologie et développement personnel, cet essai original invite à redécouvrir des objets de la vie quotidienne. Son originalité repose sur le fait qu’il analyse également les traces de vie attachées à ses objets : la valeur numéraire d’un bijou n’est rien au regard des souvenirs personnels qu’ils comprennent. Et que dire d’un vêtement… Au moyen de témoignages poétiques, de récits de famille et de retours d’ateliers d’écriture que l’autrice mène depuis de nombreuses années, l’ouvrage apporte une grille de lecture différente du rôle des objets dans notre vie et des liens que nous établissons avec eux. A l’opposé des méthodes de management liées au rangement et à l’élimination pure et dure, les chapitres, avec une certaine poésie, ouvrent des voies de réflexion riches.

Poésie

KÖR Mustafa, De Pain et d’Amour - Brood en liefde, MaelstrÖm reEvolution, 2022
Coup de cœur de Catherine Renson, Bibliothèque centrale de la province de Luxembourg

Depuis mars 2022, Mustafa Kör est devenu Poète national belge, à la suite de Carl Norac. Cette nomination a suscité l’envie des éditions Maelström d’unir leur détermination aux capacités d’impression de la Maison de la Poésie d’Amay pour donner à lire aux lecteurs francophones un mince recueil de poésies bilingues (néerlandais et français). Par de longues phrases à la ponctuation limitée, le jeune poète limbourgeois d’origine turc dépeint avec sensibilité des moments clés de sa vie, des émotions fortes, des sensations indélébiles. Ses jeunes années en Anatolie, son accident et la longue hospitalisation qu’il a connue avant de vivre en chaise roulante ou encore le suicide de son frère bien aimé, sont chez Mustafa Kör des terrains de prédilection pour nourrir la création. Sans être d’une lecture légère, l’écriture du recueil, simple de prime abord, touche le lecteur par l’universalité des thématiques, par la pertinence des évocations et par la sensibilité romantique des strophes.
Un recueil à découvrir, à lire et à relire, passant d’une page à l’autre, du néerlandais au français.

NORAC Carl, L’envers des circonstances, MaelstrÖm reEvolution, 2022
Coup de cœur de Ludivine Joinnot, Bibliothèque communale de Braine-l’Alleud
Pourquoi ce coups de cœur ?
Parce que Carl Norac y dit l’espoir possible à travers la poésie dans ce monde qui vacille et tangue.
Parce qu’il y dit aussi l’urgence de ralentir, de rencontrer l’autre, de s’émerveiller.
Parce qu’il s’agit ici d’un livre qui retrace le parcours engagé du Poète National lors des deux dernières années.

GIANNONI David, Il faut savoir choisir son chant, MaelstrÖm reEvolution, 2022
Coup de cœur de Ludivine Joinnot, Bibliothèque communale de Braine-l’Alleud
Pourquoi ce coups de cœur ?
Parce qu’en 108 « poécontes », David Giannoni ouvre la traversée de l’intime à l’universel.
Parce que ce livre se lit comme une suite de mantras, comme un voyage, une offrande.

Littérature jeunesse

BELLIERE Charlotte et DE HAES Ian, Et toi ta famille ?, Alice Jeunesse, 2021
Coup de cœur de Marina Pulsone, Centre Multimédia Don Bosco à Liège

L’histoire se déroule dans une cours de récréation. Les enfants veulent jouer « à la famille » mais cela devient compliqué car tous les enfants n’ont pas une maman et un papa. Ils adaptent alors les règles de ce jeu aux situations de chacun.
C’est un album parfait pour parler de la différence. Famille monoparentale, homoparentale, enfant unique, famille séparée, recomposée, famille nombreuse, élargie, famille d’adoption…
Tous les enfants pourront se reconnaître !
Un vrai coup de cœur que cet album tout doux qui parle de la tolérance, de l’acceptation de l’autre et de l’ouverture vers chacun.

DESCAMPS Dominique, L’agneau qui avait une faim de loup. Fable à ma fontaine, Les Grandes Personnes, 2021
Coup de coeur de Catherine Hennebert, Bibliothèque communale Hergé à Etterbeek

Après Le corbeau et le fromage (2015) et Le bœuf et la grenouille (2018), Dominique Descamps continue d’explorer et de détourner, pour notre plus grand plaisir, l’univers de Jean de La Fontaine. Cette fois, elle jette son dévolu sur la fable cruelle Le loup et l’agneau.
À la différence du grand fabuliste, l’autrice-illustratrice bannit la cruauté de son histoire pour donner la part belle à l’éloquence et à l’humour. Le loup coquet et prétentieux sera ridiculisé par l’insolence de cet agneau faussement naïf. Un album grand format, au texte poétique, court et ciselé, rythmé, tout en rimes, accompagné d’illustrations pleine page (superbes linogravures !) aux tonalités dominantes brun-orange. Petits et grands s’amuseront volontiers en découvrant cette histoire savoureuse, où les rôles sont inversés et où le plus fort n’est pas celui qu’on croit. Lire l’album à voix haute est un régal.
Petit plus : la fable d’origine, discrètement dissimulée derrière quelques buissons à soulever, est à découvrir en fin de volume.
Artiste plasticienne, Dominique Descamps (1950) est aussi conteuse et anime des ateliers créatifs dans les écoles et les bibliothèques.

DELACROIX Sibylle, Ma grande, Mijade 2021
Coup de cœur de Kathleen Fallon-Simonis, Formatrice en littérature jeunesse

Elise est grande, bien plus grande que les enfants de son âge. Malgré sa taille hors norme, Elise est douce et souriante. Mais elle aimerait bien qu’on l’appelle autrement que « ma grande », qu’on la remarque pour d’autres raisons que son aspect physique. A tel point que parfois, elle préférerait rester dans la lune, ou se recroqueviller dans un trou… Sa grand-mère pleine de délicatesse la comprend si bien et lui donne confiance. Sibylle Delacroix fait le choix de dessins crayonnés en noir et blanc dans lesquels se détache Elise en couleur rosée. Cela donne une belle sérénité aux illustrations tout en douceur pour cet album de grande taille comme il se doit. Ma grande illustre avec beaucoup d’émotion les blessures d’enfance et aborde avec justesse et optimisme le thème de la différence et l’importance de s’accepter tel que l’on est.

Novembre 2022
Un grand merci à toutes et à tous pour votre réjouissante participation !