Publié le 22 décembre 2021, par
En cette fin d’année, la campagne « Lisez-vous le belge ? » initiée par le PILEn en vue de soutenir la chaîne du livre, invite à célébrer la diversité du livre francophone de Belgique. A cette occasion, des membres de la FIBBC et d’autres sympathisants nous livrent chacun leur coup de cœur !
BABA Luc, L’Arbre du retour, MaelstrÖm reEvolution, 2021
Coup de cœur de Barbara Holt, Bibliothèque publique de Florenville
Alabama 2013. Un homme confronté au racisme part en quête de ses racines. Deux siècles plus tôt, au Dahomey, territoire de l’actuel Bénin, Ayo est embarqué sur un navire négrier. Fresque romanesque qui déroule son parcours au long de plusieurs générations, le dernier roman de Luc Baba met en scène la liberté, un thème cher à l’écrivain, et touche par son humanité et son actualité. Un roman où blues, jazz et ragtime rythment histoire et écriture. Une lecture emplie d’émotions et de découvertes : arbre du retour et arbre d’oubli, connaissez-vous la différence ? A savoir : Luc Baba, en parfaite osmose avec un ami musicien Quentin Léonard, a créé une lecture spectacle pour présenter son livre : chants, lectures, guitare, balafon… Un moment de création artistique impressionnant, comme une étincelle qui ne s’éteint pas, à demander et à proposer absolument aux adultes comme aux jeunes ! (www.quentinleonard.be)
CAMBE Alban, Biwak, Partis pour éditions, collection « Errances », 2020
Coup de cœur de Benjamin Milcamp, Centre Multimédia Don Bosco à Liège
Premier roman à couper le souffle, Biwak mêle avec brio les codes du roman d’horreur, du fantastique et du nature writing. Trois amis se retrouvent pour bivouaquer au cœur d’une forêt polonaise. Leur virée tourne au cauchemar lorsque les jeunes hommes alcoolisés font une découverte macabre. Commence alors une nuit de fuite pour échapper à ce qu’ils pensent être une menace. Mais le danger principal ne réside-t-il pas dans leur état second et dans cette nature sauvage qui les entoure ? Nous voici tenus en haleine par une intrigue bien ficelée qui maintient le flou et nous immerge au cœur d’une nature ambivalente, à la fois menace et refuge. Dans cette situation extrême, les personnalités des protagonistes sont subtilement mises à nu. L’auteur, Alban Cambe, est un breton spécialisé dans le bushcraft, c’est-à-dire les méthodes de survie en milieu naturel, et collaborateur de la revue Survival. Son premier roman hypnotique et explosif est édité par une jeune maison d’édition belge indépendante, créée à Hotton en 2017, et assurément à suivre ! Dirigées par un couple de passionnés, les éditions Partis pour sont consacrées aux voyages (Beaux-livres, guides, littérature jeunesse…) Leur collection littéraire « Errances », dans laquelle paraît Biwak, propose des romans et récits initiatiques où le voyage se fait dépaysement et cheminement intérieur.
DAMAS Geneviève, Bluebird, Gallimard, collection « Blanche », 2019
Coup de cœur de Anne Versonne, Centre de documentation du Lycée de Berlaymont à Waterloo
Travaillant en milieu scolaire et secondaire, je suis sensible au fait que Geneviève Damas s’adresse avec beaucoup de justesse à travers ses romans aux grands adolescents qui sont en train de devenir des adultes. Alors que cette année voit paraître Jacky, un roman touchant sur les liens entre un jeune marocain et un jeune juif de Bruxelles, son précédent roman Bluebird, tout aussi sensible, vient d’être récompensé par le Prix des lycéens 2021. Elle y raconte l’histoire, tellement banale au fond, d’une jeune fille de 16 ans, Juliette, qui vit un premier amour, tombe enceinte et ensuite, que faire ? Ce roman dépeint avec beaucoup de sensibilité toutes les émotions et les difficultés que cette jeune fille traverse durant cette grossesse, face au regard de ses proches, des institutions, mais aussi par rapport aux transformations de son corps et surtout face au délicat dilemme : garder cet enfant ou le confier à l’adoption ? L’écriture est assez facile d’accès et le ton très juste et posé laisse percevoir que, malgré tout, cette situation peut se dérouler de façon positive. Juliette va être soutenue par des personnages bienveillants qui vont l’accompagner au long de son cheminement. Celui-ci soulève des questions essentielles et apporte des réponses ouvertes qui peuvent conscientiser, ouvrir à la réflexion mais aussi rassurer.
GHEUR Bernard, Les orphelins de François, Weyrich édition, collection « Plumes du coq », 2021
Coup de cœur de Myriam Radoux, Réseau des bibliothèques communales de Chaudfontaine
Dans ce récit, le liégeois Bernard Gheur, journaliste, romancier et grand cinéphile, rend hommage au cinéaste français François Truffaut. A l’instar de toute une génération, il se dit « orphelin » de cette figure majeure de la Nouvelle vague du cinéma (1950-1960) dont l’œuvre l’a véritablement constitué en le faisant accéder aux films et à la littérature. Un récit autobiographique particulièrement émouvant, amusant, nostalgique qui retrace toute l’atmosphère de cette époque et la grande influence que François Truffaut a eu sur sa vie. Bernard Gheur relate ainsi des anecdotes savoureuses de sa jeunesse à Saint-Servais à Liège chez les Jésuites où tout ce cinéma était plutôt mal vu et où ses premières expériences cinématographiques l’amènent à filmer les filles de l’école des Bénédictines. Il évoque aussi sa carrière littéraire et tout ce qu’elle doit à la relation épistolaire de mentor à jeune écrivain que les deux hommes vont entretenir sans jamais se rencontrer. Bernard Gheur nourrit enfin son récit de nombreuses références cinématographiques. Il retranscrit notamment des dialogues de films qu’il met en lien avec sa vie. Et cela nous donne envie, bien évidemment, d’aller nous replonger dans ce cinéma passionnant !
HUART Justine, Comme des arbres en novembre, Noir’édition, 2021
Coup de cœur de Viviane Philippart, Bibliothèque publique communale de Hotton
Jeune auteure originaire de Hotton et médecin au CHU de Liège, Justine Huart publie cette année son second roman chez Noir’édition, maison d’édition française spécialisée dans la promotion d’une littérature noire de qualité. Et ce second roman, après l’excellent Ce qu’il reste de nous paru en 2018, vient confirmer le talent de Justine Huart pour les thrillers psychologiques addictifs. L’intrigue en quelques mots : Gabrielle s’ennuie dans un village perdu avec son compagnon, Etienne, qu’elle n’aime plus. Elle est hantée par une ancienne histoire d’amour malheureux. La seule personne qui parvient à éveiller son intérêt est Camille Martin, une vieille dame qui vient chaque dimanche dans leur restaurant. Surnommée « la noyeuse », elle est soupçonnée d’être responsable de la disparition de plusieurs personnes. Désapprouvant ces rumeurs, Gabrielle, journaliste à ses heures, va la solliciter afin de lui consacrer un article. Ces rencontres provoquent cependant un certain malaise chez Gabrielle. Elle ne parvient pas à cerner cette dame ni à percer les mystères du passé… Un roman envoûtant qui se déroule dans le cadre d’un site mégalithique, dont le dolmen et le musée des mégalithes font penser au village de Wéris, en terre de Durbuy. Percutant, rythmé et riche en rebondissements, vous ne lâcherez pas ce roman avant la note finale !
KURTIS Chris, Terra Incognita, publié à compte d’auteur, 2020
Coup de cœur de Nathalie Gillet, Bibliothèque publique communale de Hotton
Mars, le rêve de conquête de l’Homme depuis qu’Il a marché sur la lune… En 2038, la mission Pulsar envoie les premiers astronautes sur Mars, et ce non sans risques. Les treize minutes à venir vont être cruciales et la terre retient son souffle tandis que l’équipage pénètre pour la première fois l’atmosphère de cette « terra incognita ». Chris Kurtis, qui a vécu son enfance à Hotton, nous emmène en voyage sur Mars. Un premier roman de science-fiction que l’on sent particulièrement documenté sur les voyages dans l’espace, les avancées technologiques et la vie entre astronautes. L’intrigue de ce huis clos spatial est véritablement accrocheuse, pleine de suspense et de rebondissements. Il y a également un côté très cinématographique dans cette écriture fluide et précise qui nous invite à nous imaginer à l’intérieur du vaisseau. Par moment, on a même le sentiment de faire partie de l’équipage. On s’attriste de leurs peines, on a peur quand ils sont en danger… et on a envie de poursuivre l’aventure avec eux ! Publié à compte d’auteur, ce livre est disponible sur le site de l’auteur (www.chriskurtis.be) et à la bibliothèque de Hotton qui souhaite soutenir les auteurs locaux.
WAUTELET François, Bagages inconnus, publié à compte d’auteur, 2021
Coup de cœur de Noëlle Willem, Centre de documentation de l’Ourthe moyenne à Rendeux
Bagages inconnus est un premier recueil de treize nouvelles écrit par François Wautelet, poète et comédien qui vit au cœur de l’Ardenne. Pourquoi mon coup de cœur ? Cela faisait longtemps que la lecture de nouvelles ne m’avait pas emballée de la sorte ! Tantôt surréaliste, tantôt policière, tantôt poétique, chaque nouvelle met en scène des personnages en recherche d’eux-mêmes et est une porte ouverte vers une révélation, un bouleversement ; de plus les chutes sont savoureuses et souvent très surprenantes. Enfin, je retrouve dans la cohésion, la force et la rythmique des mots, l’autre métier de l’auteur : acteur au sein d’une compagnie théâtrale professionnelle. A découvrir sans modération.
WAUTERS Antoine, Mahmoud ou la montée des eaux, Verdier, collection « jaune », 2021
Coup de cœur de Sylvie Hendrickx, FIBBC
Auteur d’une œuvre forte et sensible, l’écrivain liégeois Antoine Wauters a créé l’événement en cette rentrée littéraire avec son dernier roman poétique, considéré comme le plus abouti et sans doute le plus bouleversant. Lauréat du Prix Marguerite Duras et du Prix Wepler-La Poste, ce roman nous donne à entendre la dure situation du peuple syrien à travers la voix fictive d’un poète. Mahmoud, vieil homme dont les poèmes chantaient jadis la liberté, vit désormais reclus près du lac artificiel el-Assad. Chaque jour inlassablement, il plonge dans ses profondeurs pour retrouver la ville engloutie où il a vécu. Sous les faisceaux de sa lampe torche, il voit défiler sa vie entière et fait renaître les parfums, l’atmosphère, la vie quotidienne de cette cité millénaire à jamais perdue. Son refus de vivre dans le présent est-il folie ou sagesse ? Ainsi s’interroge la voix pleine de tendresse de son épouse Sarah qui l’observe dans son rituel désespéré. Son ambition très pure de garder le passé et la mémoire des proches disparus, nous livre, de manière terriblement touchante, la nostalgie d’une époque syrienne révolue, lorsque subsistait encore un espoir de liberté. Disposé en vers libres, ce texte engagé vient toucher notre humanité en nous livrant toute la force, la fureur et le désespoir d’un peuple avec cet équilibre d’apaisement et de beauté qu’offre la parole poétique.
WILLIAM LEVAUX Aurélie, Justice (pas le groupe), Editions Cambourakis, 2021
Coup de cœur de Julie Antipine, Centre Multimédia Don Bosco à Liège
Auteure et illustratrice liégeoise, Aurélie William Levaux publie des romans graphiques et des recueils de nouvelles qui forment une œuvre à la fois forte et singulière à dimension intime et autobiographique. Ainsi, ses recueils de nouvelles Bataille (pas l’auteur) paru en 2019, et Justice (pas le groupe) publié cette année, se composent de courts récits, formes de chroniques ou tranches de vie très quotidiennes. L’auteure y interroge ses doutes, ses pulsions, les questions qu’elle se pose sur les rapports humains et la vie avec ceux qui nous sont proches (ses compagnons successifs, sa fille…) Tout cela nous est livré au travers d’une écriture de l’intime, dénuée de censure, à la fois crue, orale et libre qui ne cache rien de ses fragilités. S’ils sont souvent empreints d’une certaine noirceur, ses textes brefs racontent également sa vie dans ce qu’elle a de rocambolesque, avec un côté déjanté, sans filtre, qui se dévore ! Fortement engagée et présente sur la scène publique, Aurélie William Levaux y partage enfin un regard sociétal aiguisé. Les batailles, la justice sont des thèmes qui l’animent, en tant que femme mais aussi en tant qu’artiste, dont le statut engendre une forme de précarité. Dans Justice (pas le groupe), elle revient particulièrement sur l’impact de la pandémie sur notre quotidien et dénonce avec force les incohérences de la gestion de crise.
HENNE Philippe, L’Église face au fanatisme. L’exemple des premiers chrétiens, Salvator, 2021
Coup de cœur de Stanislas Deprez, Bibliothèque du Séminaire de Tournai
Dominicain au couvent de Liège et professeur émérite à la faculté de théologie de l’université catholique de Lille, Philippe Henne a un talent particulier pour revisiter les Pères de l’Église en leur posant des questions actuelles. Auteur de nombreux essais, il s’interroge dans ce nouvel ouvrage sur le fanatisme des premiers chrétiens. On entend souvent dire, en effet, que dès les premiers siècles, les chrétiens furent des exaltés et des intolérants. Qu’en est-il en réalité ? La foi mène-t-elle nécessairement au fanatisme ? Ouvrant le dossier, Philippe Henne montre que le martyre n’était pas recherché, que l’ascèse visait à dompter le corps mais sans le détruire, et que la chasteté n’était pas haine de la sexualité. Une plongée historique très documentée et éclairante.
DAMOUR Franck, DEPREZ Stanislas et ROMELE Alberto (dir.), Le transhumanisme : une anthologie, Hermann, 2020
Coup de cœur de Stanislas Deprez, Bibliothèque du Séminaire de Tournai
Si le transhumanisme est aujourd’hui à la mode, suscitant engouement et plus souvent fascination horrifiée, il reste pourtant mal connu. Beaucoup se contentent à son sujet de discours tout faits. À rebours de cette attitude, cette anthologie invite à lire les discours transhumanistes avec leurs nuances et parfois leurs contradictions. On retrouve dix-neuf penseurs du transhumanisme, de Julian Huxley à Max More et Ray Kurzweil, en passant par Teilhard de Chardin et Nikolaï Fiodorov. Chaque auteur est remis dans son contexte. Réalisée par trois chercheurs, Alberto Romele, philosophe, Franck Damour, historien, et Stanislas Deprez, philosophe et anthropologue, cette anthologie est la seule du genre en langue française.
DESPRET Vinciane, Habiter en oiseau, Actes Sud, 2019
Coup de cœur de Corinne Marquet, bibliothécaire retraitée de Hamoir
Professeur de philosophie des sciences à l’Ulg et l’ULB, Vinciane Despret bâtit depuis une vingtaine d’années une œuvre discrète mais vivifiante qui interroge nos connaissances du monde animal. Dans cet ouvrage qui l’a révélée au grand public, l’auteure explore la notion de territoire chez les oiseaux en nous embarquant dans une enquête passionnante à travers l’histoire de l’ornithologie et de ses dernières découvertes. A force d’attention, de technologies parfois et surtout d’un changement de regard sur leur sujet d’étude, les ornithologues ont cessé de réduire tous les représentants d’une même espèce à un comportement unique. Au contraire, il est question ici d’histoires d’oiseaux, considérés comme des individus à part entière, de véritables biographies qui révèlent une réalité tellement plus riche ! A la lumière de ces nouvelles données, Vinciane Despret sillonne les territoires des oiseaux dans leur grande diversité : territoire disputé, partagé, conquis, marqué, chanté… Particulièrement attentive à la justesse des mots, l’auteure livre un ouvrage très fin, très nuancé qui nous invite à mieux « co-habiter » avec le vivant qui nous entoure grâce à une meilleure connaissance de ses manières d’être.
PACCO Jean-François, Floreffe. Neuf siècles d’histoire, Editions namuroises, 2021
Coup de cœur de Julie Depollier, Bibliothèque du Séminaire de Namur
Jean-François Pacco, journaliste originaire de Dinant et grand amateur d’histoire patrimoniale, emmène le lecteur à travers la longue histoire de l’abbaye de Floreffe. Construite par Saint Norbert, fondateur de l’ordre des Prémontrés, elle célèbre aujourd’hui ses 900 ans ! L’idée de cet ouvrage est de faire découvrir l’histoire incroyable du rayonnement de l’abbaye dans la région namuroise à l’aide de documents et d’objets encore conservés actuellement. Influence spirituelle, économique, sociale, culturelle… Chaque aspect est passé en revue de manière minutieuse. En relatant des périodes fastes et des périodes plus tourmentées, notamment lors de la Révolution française, l’auteur montre la volonté et la persévérance des chanoines de l’époque pour maintenir l’abbaye de Floreffe en activité. Actuellement, le site de l’abbaye reste un lieu de formation accueillant un établissement scolaire mixte et organisant des activités culturelles. Ce livre magnifique, richement illustré, retraçant l’histoire de ce site classé comme Patrimoine exceptionnel de Wallonie, prouve encore une fois que la conservation et la préservation des documents (archives, objets, photographies…) et des bâtiments sont indispensables pour transmettre l’histoire de nos régions aux générations futures.
VOLAUVENT, Un chant couleur rouge cendre, MaelstrÖm Editions, collection « Rootleg », 2021
Coup de cœur de Ludivine Joinnot, Bibliothèque communale de Braine-l’Alleud
Poète et slameur liégeois, Volauvent est un artiste pluridisciplinaire, autodidacte et iconoclaste qui mérite d’être davantage connu que ce soit pour sa musique, ses installations plastiques et bien sûr sa poésie (www.facebook.com/VAV.Artiste/). Sous sa plume, l’écriture gicle telle venue d’un geyser et trouve sa place juste dans le dédale de vivre. De l’épreuve à l’incrustation de la fêlure, pas de demi-mesure chez le poète. La profondeur s’incarne, s’immisce quelque part entre chair et cœur. Le derme se soulève sous l’impact des mots. Le frémissement ne ment pas. Un chant couleur rouge cendre ou la vision de « l’amour sans fin ni lendemain ». Un amour qui brûle encore dans le brasier toujours intact et puis, les cendres. L’âme s’ébranle dans l’impossible, dans les combats de l’existence en aveu de tendresse comme de rage. Le chant est encore audible. On peut espérer s’en sortir.
DE RADIGUES Max et PIETTE Hugo, Seuls sont les indomptés, Sarbacane, 2019
Coup de cœur de Bénédicte Boonen, Bibliothèque publique libre de Visé « Bibli 2000 asbl »
Désert du Nouveau-Mexique, 1950. Jack Burns, cow-boy solitaire en rupture avec le monde moderne, parcourt le désert à cheval, vit de petits boulots et dort à la belle étoile. Lorsqu’il apprend que son ami Paul vient d’être incarcéré, il descend dans la vallée pour l’aider à s’évader. Mais il n’imaginait pas que cette évasion déclencherait une traque d’une telle ampleur, aussi absurde qu’impitoyable… Cette bande dessinée est une adaptation du roman éponyme de l’écrivain américain Edward Abbey, publié en 1956. Particulièrement réussie, on la doit à un duo belge. Max de Radiguès est auteur de bande dessinée et également éditeur et directeur de collection chez Sarbacane. Il collabore avec Hugo Piette, dessinateur qui participe aux magazines Capsule cosmique et Journal de Spirou. La narration fluide est parfaitement servie par le dessin, avec ses couleurs vives et le choix judicieux de cases souvent sans texte qui permettent de s’immerger complètement dans une ambiance contemplative et nostalgique. Ce récit est un hommage au mythe du Grand Ouest, une ode à la liberté, et remet en question les valeurs du monde moderne.
GARIN Alix, Ne m’oublie pas, Le Lombard, 2021
Coup de cœur de Véronique Dehard, Bibliothèque publique de Bastogne
Une première œuvre très personnelle et très réussie de la jeune scénariste et dessinatrice belge, Alix Garin, récompensée par le Prix Rossel de la bande dessinée 2021 ! Ce roman graphique nous emmène dans un road trip émouvant et réaliste. La grand-mère de Clémence souffre de la maladie d’Alzheimer. Pour éviter qu’elle ne fugue, on l’abrutit de médicaments qui lui font perdre encore plus la mémoire. Clémence décide de l’enlever et de prendre la route vers la maison d’enfance de sa grand-mère. Le trajet ne sera pas aussi simple que prévu, mais il va permettre à ces deux êtres, que les générations séparent, de se découvrir, de se comprendre. Tendresse, peur, incompréhension, amour, tolérance et bonté remplissent ce merveilleux récit. Les thèmes de la vieillesse et du temps qui passe sont traités sans tabou mais avec beaucoup de délicatesse. Le graphisme simple dans des tons pastel permet d’approfondir et d’accentuer les différentes émotions qui se libèrent de l’histoire.
CRAHAY Anne, Pourquoi tu pleux ?, Didier Jeunesse, 2021
Coup de cœur de Sylvie Hendrickx, FIBBC
Illustratrice et enseignante à l’École Supérieure des Arts Saint-Luc de Liège, Anne Crahay est l’auteure de nombreux albums jeunesse qui abordent les émotions. Un travail particulièrement mis en lumière en 2019 par son album Le sourire de Suzie (CotCotCot Editions) dont les illustrations ont été récompensées au Salon de Bologne. Cette année, elle nous propose l’album Pourquoi tu pleux ?, destiné aux plus jeunes. Une petite fille en proie à la tristesse et à la colère dialogue avec son chat qui l’interroge sur ce qu’elle ressent. Celui-ci va l’amener à exprimer et extérioriser le tourbillon d’émotions qui l’habitent et ce, au travers de métaphores relatives à la pluie et la tempête. Ce que j’apprécie particulièrement dans cet album, c’est la déclinaison d’images poétiques qui invitent à l’expression de sensations parfois bien difficile à partager. Ce dialogue imagé amène une dimension sonore très savoureuse, particulièrement plaisante à raconter et pourquoi pas à décliner plus encore avec l’enfant ! Cet album est également très touchant par la qualité de la relation tendre, complice et sincèrement soucieuse de l’autre, qui s’exprime entre l’enfant et son petit compagnon, dont on apprécie également le caractère un brin facétieux. Ajoutez à cela l’atmosphère douce et apaisante des illustrations, mixte de crayonnés et de collages, et voilà un album bienveillant, dédramatisant et très amusant à partager !
JALIBERT Maria, Cache-cache Carotte, A pas de loups, 2020
Coup de cœur de Marina Pulsone, Centre Multimédia Don Bosco à Liège
Mes coups de cœur en littérature jeunesse me portent souvent vers la maison d’édition bruxelloise A pas de loups qui publie une dizaine de titres par an, marqués par des choix originaux au niveau graphique. C’est le cas du dernier ouvrage de Maria Jalibert, Cache-Cache Carotte. Cette illustratrice française nous embarque dans un réjouissant album « Cherche et trouve » dont les illustrations sont uniquement composées d’un assemblage de jouets, avec des nuances de couleurs différentes à chaque double page. A cette recherche graphique ludique et fascinante s’ajoute une vraie trame narrative puisque nous suivons petit lapin parti à la recherche de carottes. A défaut, celui-ci trouve, en chemin et dans chaque nouvelle page, des tas d’objets insolites : « J’ai trouvé un mouton, huit grappes de raisin, un roi, trois aubergines et une trompette » ! Une invitation à une observation minutieuse et à jouer ensemble. Un livre sous forme de chasse au trésor qui peut évoquer à l’enfant ses propres jouets et donner envie d’être à son tour créatif !
RUTTEN Mélanie, Chatchat, le chat du chien, MeMo, 2020
Coup de coeur de Catherine Hennebert, Bibliothèque communale Hergé à Etterbeek
Une journée ordinaire ou presque pour Chat et Chien. Chat, le petit, est de mauvaise humeur ce matin et n’a envie de rien. Chien, le grand, est d’humeur légère et patiente. Leur promenade en pleine nature va faire évoluer les deux personnages au cours d’un voyage à la fois extérieur et intérieur qui les fera grandir. Le lien qui unit les personnages est ici volontairement indéfini, laissant ainsi à chacun.e la possibilité de se créer sa propre histoire. Dans cet album, on retrouve toute la tendresse, la douceur, la bienveillance et l’humour qui caractérisent tous les livres de Mélanie Rutten. Sans oublier la nature omniprésente, magnifiée par de sublimes aquarelles aux tons pastel. Un album poétique et philosophique qui nous plonge avec simplicité et délicatesse au coeur des émotions, et nous invite à cultiver la curiosité tout en profitant pleinement de tous ces petits riens qui font tant de bien.
WISNIEWSKI Gaya, Ours à New York, MeMo, 2020
Coup de cœur de Kathleen Fallon-Simonis, formatrice en littérature jeunesse
Aleksander habite à New York et y mène une vie monotone. Certes, il a un travail et porte un costume, mais en fait il s’ennuie et est bien seul. Un soir, un ours géant lui barre le passage. C’est celui qu’Aleksander dessinait quand il était enfant. Ours, aidé par Foxi, le doudou, arriveront-ils à réveiller les rêves d’Aleksander et à lui faire reprendre sa vie en main ? Ce magnifique album pose avec délicatesse de vraies questions sur le sens de la vie. Faut-il abandonner ses rêves ? Se suffire du « métro-boulot-dodo » ? Comment vivre dans une ville immense et si densément peuplée dans laquelle la solitude urbaine est un vrai problème ? On retrouve avec plaisir le savoir-faire de Gaya Wisniewski, formée à l’institut Saint-Luc à Bruxelles, et ce dans la veine de son album Mon bison datant de 2018. Ses belles illustrations en noir et blanc redonnent paradoxalement des couleurs à la vie du héros. Le grand format convient bien à la taille de cet ours immense et à la hauteur des immeubles new yorkais. Le dessin est vif, tantôt précis, tantôt légèrement flou, en accord avec le mouvement perpétuel qui anime la ville de New York. Un gros coup de cœur pour ce bel album destiné à tous dès 8 ou 9 ans.
Un grand merci à toutes et à tous pour votre réjouissante participation !
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