Lisette Lombé, poétesse nationale au service de l’émancipation collective et à l’écoute des bibliothécaires

Publié le 25 juin, par Sylvie Hendrickx


Le 28 mars dernier, l’autrice et slameuse belge, Lisette Lombé, bien connue de nombreux bibliothécaires, est devenue officiellement poétesse nationale à la suite du poète néerlandophone Mustafa Kör et ce, dans le cadre d’un passage de flambeau organisé à Jambes, à l’initiative notamment de la Maison de la Poésie et de la Langue française de Namur.

Cette cérémonie à laquelle la fibbc a eu le bonheur d’assister était particulièrement émouvante. Premièrement car elle était organisée dans un lieu hautement symbolique pour la poétesse : son ancienne école primaire, l’école communale du Parc Astrid à Jambes, évoquant les débuts de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture de la lauréate ! Mais, également, par le choix de la poétesse qui, loin de tout discours cérémonial ou protocolaire la concernant, a souhaité donner à entendre la voix de chacun des deux cents enfants de l’école. Concrètement, ce sont ainsi neuf classes, de la maternelle à la sixième primaire, qui ont livré à voix haute au public présent le fruit des ateliers poétiques qu’elle a animés avec eux pendant plusieurs semaines. Dans le cadre sécurisant d’un cercle formé avec la poétesse, chaque élève a ainsi partagé sa phrase poétique, tissant pour chaque classe un poème anaphorique riche de créativité et de sensibilité.

Ce premier moment d’intense émotion reflétant sa priorité pour le public jeune et la force de l’émancipation collective, fut suivi par un second échange, tout aussi touchant. Cette fois, c’est à sa sœur, Julie Lombé, également poétesse et slameuse, que Lisette a souhaité s’associer dans une percutante lecture à deux voix : et ainsi de livrer son premier poème en tant que poétesse nationale, Sous la vareuse de foot , qui évoque l’horreur de la guerre à hauteur d’enfant. Par ces deux interventions, Lisette Lombé, connue pour son implication avec le monde associatif, contextualise son rapport à la poésie sous le signe de l’engagement et entend, au cours de ces deux années, creuser le sillon social de la poésie en tant que levier sociétal. Aussi, font d’ores et déjà partie de ses plans d’action une anthologie de la scène slam belge féminine contemporaine intitulée On ne s’excuse de rien ! (volume 2) qui vient de paraître aux éditions MaelstrÖm, des ateliers menés avec des publics dits fragilisés et des outils à destination de l’enseignement.

Notre association professionnelle a la chance de bien connaitre Lisette Lombé qui a collaboré régulièrement depuis 2019 avec la fibbc dans le cadre de l’organisation de formations continuées à destination des bibliothécaires. Aujourd’hui, son attention pour les missions des professionnels en Lecture publique reste intacte et elle invite d’ailleurs les bibliothécaires à toute collaboration. Comme en atteste cet appel aux initiatives des bibliothécaires de notre fédération que vous pouvez découvrir dans cette brève interview qu’elle nous a généreusement accordée au terme de son intronisation pleine d’émotion.

Vous considérez l’expression poétique comme voie d’épanouissement et d’émancipation. Mais, à l’heure actuelle, comment se positionne, selon vous, la forme poétique au sein de nos sociétés en proie à de nombreuses préoccupations d’ordre matériel et conflictuel ?

L.L. La poésie est et n’est pas un luxe. Prendre le temps de créer ou de découvrir des épaisseurs de la langue reste un privilège de personnes qui ont un rapport complexe et riche à cette langue. Dans le même temps, la charge politique de la poésie sociale fait de cette dernière un levier de changement sociétal. Une langue d’émotions et d’images au sein d’environnements rationnels, normés, corsetés, mortifères est un signe de créativité et de vitalité. La magie, la gratuité, la bienveillance, la tendresse sont des moyens de contrer tout ce qui pique et questionne nos humanités actuellement.

La sensibilisation aux différentes formes d’expressions artistiques et la démocratisation de la culture sont des points d’attention pour vous. Quels sont vos projets en ce sens pour votre mission de poétesse nationale ?

L.L. Les premiers projets serons collectifs et en lien avec le tissu associatif et les écoles : une deuxième anthologie de la scène slam belge féminine contemporaine (et alliés du projet L-SLAM), une tournée d’ateliers à destination de publics dits fragilisés, des outils pour les enseignant·e·s du primaire concoctés par une myriade de poètes… Je marraine déjà, depuis quelques semaines, plusieurs initiatives : le Serveur Vocal Poétique, des ateliers pour femmes de l’Ilot Sans-Abrisme, La Slamerie – nouvelle scène slam de Huy, le Poetic Lab de la Haute École Charlemagne de Liège…

Au cours de ce mandat, quelle attention accorderez-vous aux bibliothèques publiques et à leurs différentes missions ?

L.L. Merci pour cette question qui sort les bibliothèques de l’angle mort des actions. Les projets sont à construire ensemble et dépendent de budgets qu’il faudra aller décrocher. J’invite déjà les bibliothèques à réfléchir à des initiatives que je pourrais soutenir et à me contacter. Le territoire à couvrir est vaste, le temps serré, les lieux d’intervention infinis, l’argent à trouver. J’espère que nous pourrons relever nos manches pour co-créer des projets porteurs de sens.

Crédit photos Jean-François Flamey