Publié le 23 septembre, par
En débouchant à l’est de Waterloo par le ring de Bruxelles, nous parvenons en quelques centaines de mètres à peine au centre scolaire du Berlaymont, imposant complexe de bâtiments composé d’une école primaire, d’un lycée et d’un internat, le tout dans un cadre verdoyant, en bordure immédiate de la ville et à l’orée du domaine d’Argenteuil. C’est en effet dans une partie de ce domaine périurbain, qui abrite par ailleurs le château éponyme et la Chapelle musicale Reine Elisabeth, que cette institution scolaire, à l’origine privée et fondée par les religieuses du Berlaymont en vue de favoriser l’enseignement des jeunes filles, a trouvé, en 1961, un nouveau départ après avoir été exproprié de l’actuel quartier européen de Bruxelles où elle était installée depuis 1864.
Et si, comme en attestent les archives de l’école, les racines d’un projet de bibliothèque scolaire sont ici très anciennes et déjà existantes dans l’implantation bruxelloise gérée par les religieuses, l’actuel P.O. constitué en asbl qui gère, depuis les années 70, cette école désormais mixte et appartenant au réseau libre, a eu à cœur de développer sur ce nouveau site deux bibliothèques, l’une destinée aux 500 élèves du primaire et l’autre aux près de 1100 étudiants du lycée. Une volonté marquée notamment par l’engagement de bibliothécaires documentalistes pour en assurer une gestion professionnelle.
Et c’est précisément avec Anne Versonne, responsable de la bibliothèque du lycée que nous avons rendez-vous, en cette chaude journée de fin d’année scolaire, au deuxième étage de ce bâtiment qui propose un enseignement secondaire général de transition. Nous y découvrons un espace de 150 m2, tout en longueur, anciennement appelé Centre de documentation et rebaptisé Berlaythèque par la bibliothécaire afin de refléter de plus larges objectifs. Et si celui-ci nous apparait à première vue assez classique, l’animation qui y règne en ce temps de midi ne trompe pas sur la fréquentation et la place au sein de l’école de ce tiers-lieu, certes voué à la recherche documentaire, mais également à la lecture-plaisir, à la rencontre et à l’implication citoyenne.
« L’appellation CEDOC ne reflétait plus tout à fait l’évolution de notre fonds », confie d’emblée notre interlocutrice. En effet, si les documentaires restent bien présents au sein des 20 000 titres que compte la Berlaythèque, ceux-ci ont fait l’objet ces dernières années d’un élagage important au profit de la mise en valeur de thématiques d’actualité ou particulièrement questionnantes pour les adolescents (l’identité, les religions, l’I.A.…). D’autre part, depuis son engagement en 2016, et dans une dynamique déjà initiée par ses prédécesseurs, Anne Versonne investit aujourd’hui majoritairement dans la lecture-plaisir et veille à la diversification du fonds par le biais notamment d’attrayantes collections de romans jeunesse, romans graphiques, BD et mangas, aux côtés des lectures scolaires. « Je souhaite renforcer la médiation autour de ce fonds par le développement d’animations », souligne la bibliothécaire qui a suivi, cet été, une formation en « biblio-créativité jeunesse » donnée par Aurélie Louvel et reçoit jusqu’ici les classes dans le cadre de recherches documentaires, de lectures apéritives et de présentations de sélections littéraires.
Par ailleurs, cette évolution du fonds reflète également la part croissante de l’information en ligne. Et tandis que le lycée compte plusieurs salles informatiques à destination des enseignants et de leurs classes, Anne Versonne mise quant à elle, par le biais de trois ordinateurs dédiés à la recherche au sein de la Berlaythèque, sur un accompagnement personnalisé des élèves qui lui sont envoyés par petits groupes pour des travaux communs ou viennent individuellement dans le cadre, par exemple, de leur TFE. « L’enjeu est aujourd’hui d’aider les élèves à s’orienter et se construire un esprit critique face à une somme d’informations qui est terriblement éclatée », souligne la documentaliste qui vient de finaliser un document schématique pour les encourager à jongler entre les multiples possibilités d’informations offertes par internet (Google Actualités, Google Scholar, Cairn,…) et les différents outils en ligne souscrits par la bibliothèque (Science et Vie Junior, Sciences Humaines, Roularta, Cafeyn…).
Ouvert tout au long de la journée, la Berlaythèque est aussi un véritable tiers-lieu que l’on fréquente aux différentes récréations pour rencontrer des amis, jouer aux quelques jeux de société à disposition et bien entendu pour lire ! Et si la fréquentation que connait la Berlaythèque donne à se réjouir, la gestion de cette affluence, notamment par temps de pluie, a poussé la bibliothécaire à réfléchir à la circulation au sein de ces locaux relativement étroits, l’amenant à disposer les pôles d’attractivité que constituent les mangas et les romans jeunesse aux deux extrémités de la bibliothèque mais aussi à multiplier les espaces de lecture : depuis les tables ou sièges disposés en cercle qui invitent à se réunir jusqu’aux coussins colorés permettant de se poser à l’écart au détour d’un rayonnage. Au centre de cet aménagement, un tableau blanc invite par ailleurs les élèves à proposer des achats de livres ou à partager leurs coups de cœur sous forme de slogans ou de dessins. « Cela peut paraître simple mais c’est très dynamique », sourit la bibliothécaire tandis que nous constatons la créativité manifeste avec laquelle les jeunes se sont emparés de cet espace d’expression.
Et on comprend rapidement que ce dispositif est représentatif de l’esprit qu’Anne Versonne souhaite insuffler à la Berlaythèque : un lieu où expérimenter l’implication citoyenne à travers l’échange d’idées ou l’engagement volontaire. « Pour créer le rayon mangas, j’ai donné un budget virtuel de 100 euros à un groupe d’élèves afin qu’ils déterminent une liste de titres que j’ai commandés. Ils les ont ensuite équipés de codes barre et les ont encodés dans la base de données, prenant part au projet d’un bout à l’autre ! » Dans le même esprit, un second poste de prêt, à côté de celui de la bibliothécaire, permet à un groupe d’élèves d’effectuer le prêt et les retours, en renfort pendant les temps de midi. « Après un petit écolage, ils ont vite compris ! Et si cela nécessite une supervision de ma part, c’est gratifiant de voir leur volonté de s’impliquer. » La bibliothécaire invite également ponctuellement les élèves à exprimer leur créativité dans la décoration des vitrines, pas moins de sept grandes fenêtres donnant sur le couloir et constituant un véritable atout dans la visibilité de la Berlaythèque. « Ils peuvent proposer la mise en avant d’ouvrages ou de thématiques, décorer les vitrines aux marqueurs… » Dernièrement, une dizaine d’élèves sont également devenus ambassadeurs de la boîte à livres, inaugurée en ce mois de septembre au sein de la bibliothèque. « Ils sont chargés d’en faire connaître le principe et veillent notamment à ce qu’aucun ouvrage des rayonnages ne se perde parmi les livres apportés par les élèves en vue de trouver de nouveaux lecteurs ! »
Évoquant cette mobilisation originale et réjouissante de nombreux élèves, qui débouche sur une vraie communication avec la bibliothécaire mais aussi de belles amitiés entre jeunes, Anne Versonne pointe néanmoins une fréquentation contrastée de la Berlaythèque. « Les plus jeunes sont davantage en recherche de sociabilité à leur arrivée dans cette vaste école, et les plus grands recommencent souvent à fréquenter la Berlaythèque dans le cadre de leur TFE. », souligne-t-elle. Toucher la tranche d’âge intermédiaire des 3e et 4e années reste donc un défi pour la bibliothécaire qui réalise, par exemple, des affiches de type « Si vous avez aimé…, vous pourriez aimer… » placées aux abords des classes. Enfin, malgré la confiance de son P.O., les moyens alloués dans la gestion du fonds, et le soutien de deux enseignants pensionnés dans diverses tâches dont la plastification, la bibliothécaire déplore l’absence de lignes directrices et d’exigences décrétales en matière de bibliothèques scolaires ainsi qu’un manque d’espace de mutualisation spécifique. « Il n’existe pas de répertoire des bibliothèques scolaires en Fédération Wallonie-Bruxelles, pas de logiciel commun et trop peu de lieux de rencontres où échanger nos pratiques. »
Pour pallier cette situation, la bibliothécaire a tissé un important maillage de collaborations au contact essentiellement des bibliothèques publiques. Tout d’abord, en s’investissant, au cours des cinq dernières années, en tant que présidente de la Commission jeunesse de l’APBFB, qui réalise la sélection « Un cadeau ? Un livre ! » et permet un partage d’expériences avec d’autres bibliothécaires jeunesse. Deuxièmement, par le biais d’un partenariat établi depuis 2021 avec Place aux Livres, la bibliothèque itinérante du Brabant wallon, qui lui permet de varier ses collections et de répondre aux demandes des jeunes en matière de mangas notamment. Enfin, depuis 2024, un animateur de la bibliothèque publique de Waterloo propose, au sein de la Berlaythèque, des animations de lectures d’albums et de création plastique. Un partenariat particulièrement important aux yeux d’Anne Versonne en vue d’encourager les élèves à franchir la porte d’autres bibliothèques. Et c’est précisément sur cette notion d’ouverture que nous souhaitons clôturer le réjouissant portrait de cette Berlaythèque qui place, au cœur d’un projet en perpétuelle recherche de nouvelles concrétisations, l’émancipation des adolescents par le biais de l’esprit critique, de l’implication citoyenne et bien entendu de la lecture-plaisir !
La Berlaythèque
Lycée du Berlaymont
Drève d’Argenteuil 10C
1410 Waterloo
anne.versonne@berlaymont.be
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