Quand la poésie sort de ses réserves… (Formation 2013)

Publié le 15 octobre 2013, par Sylvie Hendrickx


Les lundis 15 et 22 avril 2013, une douzaine de bibliothécaires se sont rassemblés pour une formation portant sur la question de la revalorisation du fonds poétique en bibliothèque publique. Cette formation était proposée et organisée à l’initiative de la Fibbc en partenariat avec l’APBD et en collaboration avec la Maison de la Poésie et de la Langue française (MPLF) de Namur où la formation s’est déroulée.

Au cours de ces deux journées, les intervenants de différentes professions se sont succédés offrant aux participants un large éventail de points de vue et de pistes d’actions émanant de tous les secteurs du livre. Dans les lignes qui suivent, vous pourrez découvrir un aperçu des orientations dégagées au cours de cette formation.

Les pistes de Thierry Horguelin de l’association Espace Livres&Création

Thierry Horguelin a présenté aux bibliothécaires présents la structure Espace Livres&Création qui constitue l’une des deux associations d’éditeurs de Belgique avec l’ADEB. Cette association est née en 1990 d’un constat : la nécessité d’assurer la promotion et la diffusion de l’édition poétique. Au fil du temps, Espace Livres&Création s’est élargi à la quasi-totalité des éditeurs de livres de création belges (mais aussi à quelques éditeurs français et québécois). Elle regroupe actuellement une soixantaine de membres et constitue un outil concret permettant aux bibliothécaires de trouver et de se procurer des ouvrages de création et de poésie contemporaine.

Les pistes historiques de Gérald Purnelle, professeur à l’Ulg

Au cours d’une présentation dense et érudite, Gérald Purnelle a exposé aux participants les grandes lignes directrices de l’Histoire de la poésie francophone de Belgique depuis sa naissance jusqu’à nos jours. A travers un vaste aperçu des principaux grands noms et courants de cette histoire littéraire belge, il a livré aux bibliothécaires autant de points de repères et de pistes d’entrée dans la production poétique passée et présente de notre pays.

Les pistes documentaires d’Aline Louis du Centre de Documentation François Bovesse

Aline Louis, attachée littéraire et pédagogique de la Maison de la Poésie de Namur, a présenté aux participants l’organisation de l’important fonds du Centre de Documentation François Bovesse, spécialisé en poésie belge . Ce centre documentaire compte plus de 40.000 documents consultables sur place en salle de lecture (revues, documents auteurs, anthologie, ouvrages de référence…) Son public est notamment scolaire mais ouvert et accessible à tous, de préférence sur rendez-vous.

Les pistes de Natacha Mangez de la librairie Papyrus (Namur) et Anouk Delcourt de la librairie Point Virgule (Namur)

Cet échange entre libraires et bibliothécaires a permis la mise en exergue de nombreux points de rencontre entre ces deux métiers du livre qu’il s’agisse de difficultés ou au contraire de ressources communes.
Pour débuter cet entretien, les deux intervenantes ont présenté leur librairie dans son rapport avec la production poétique :
  Papyrus est une librairie générale avec un rayon jeunesse important. Le rayon Poésie y est quant à lui modeste mais alimenté avec intérêt.
  Point Virgule est une librairie principalement axée sur la production jeunesse, les sciences humaines et la littérature. Elle présente un rayon Poésie assez fourni constitué de titres de fonds et de nouveautés.

Parmi les questions abordées au cours de cette rencontre figure notamment celle de l’alimentation du rayon poétique par les libraires. En effet, ces professionnels du livre doivent tout comme les bibliothécaires répondre à la demande de leur public tout en veillant à élargir celle-ci et à proposer des choses qu’on ne trouverait pas ailleurs.

« Le fonds est principalement constitué de classiques, des ouvrages demandés par les élèves, mais aussi des recueils de personnalités locales. Ce qui nous semble important ! On ne peut se contenter des collections poétiques patrimoniales si on souhaite montrer la poésie vivante d’aujourd’hui. » (Natacha M., Librairie Papyrus)

« Ce qui sort en nouveauté constitue chez Point Virgule environs un tiers des œuvres en rayon. Le fonds est constitué de collections patrimoniales (Poésie/Gallimard, Seghers, Espace Nord…) Notre rayon doit présenter les grands classiques pour répondre à la demande d’une ville universitaire mais il faut aussi pouvoir s’engager dans d’autres choses, comme les productions du Taillis Pré par exemple. » (Anouk D., Librairie Point Virgule)

Ces deux librairies ont reçu le label « librairie de qualité », reconnaissance de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour un service de qualité et nommant un véritable travail d’accueil, de conseil et de recherche des ouvrages demandés.

Les pistes d’information : les revues

Plusieurs intervenants ont présenté aux bibliothécaires leur revue et leurs activités professionnelles. Ce faisant, ils ont fourni aux participants des exemples de sources d’informations concrètes et leur ont donné un aperçu du bouillonnement de l’activité poétique belge.

Patrick Breno présente la revue Traversées
Patrick Breno a reçu le prix de la presse poétique en 2012 pour cette revue trimestrielle fondée à Virton en 1993. Son nom, Traversées, a été choisi pour ses connotations nombreuses liées au temps, à l’espace, comme à l’imaginaire… Il se veut une invitation à l’ouverture, à la découverte et cela à travers trois rubriques principales : un dossier thématique, des textes d’auteurs et des recensions de livres, à présent rassemblées sur un blog : traversees.wordpress.com

Claude Donnay présente la revue Bleu d’encre
Claude Donnay a fondé la revue Bleu d’encre à Dinant en 1999. En 2011, il a créé une maison d’édition du même nom : « J’avais un goût de trop peu par rapport aux textes qui m’arrivaient ».
En exposant l’orientation de sa politique éditoriale, Claude Donnay ouvre une piste de réflexion quant à la place de la poésie dans notre société et souligne son refus d’une poésie trop élitiste : « Je crois que la poésie doit parler aux gens. En France, on a publié beaucoup de poésie élitiste, ce qui a sans doute participé à en éloigner le gens. Il n’en va pas de même dans toutes les cultures : américaines, slaves… Les poètes grecs par exemple savent être à la fois narratifs et profonds. Cela passe très bien notamment auprès des jeunes. »

Les pistes de l’oralité avec Vincent Tholomé, poète performeur

En dialogue avec Joseph Duhamel, rédacteur en chef de la revue Le Carnet et les Instants, le poète performeur Vincent Tholomé a présenté les caractéristiques de la performance poétique qui apparaît comme un moyen concret de proposer de la poésie à un public qui n’en lit plus. D’autres médias que le livre existent en effet à notre époque dont il faut tenir compte dans la diffusion du genre poétique : enregistrements sonores, films…
Selon lui, la performance se caractérise par trois critères : une grande part d’improvisation, une dimension souvent collective et la réduction du texte à un élément du spectacle parmi d’autres. Il souligne par ailleurs que la performance est adaptée à l’art de la rue comme aux représentations en bibliothèques. Il s’agit d’un domaine très diversifié du fait des multiples façons de performer un texte (avec ou sans musique, avec ou sans effets de voix…)

Les pistes de deux poètes bibliothécaires Karel Logist et Jah Mae Kân

Le poète Karel Logist travaille actuellement à la bibliothèque Graulich de droit et d’économie qui fait partie du réseau des bibliothèques de l’ULG. Par le passé, il a travaillé quelque temps en bibliothèque publique où il a posé le constat d’une place infime accordée à la poésie à travers des rayons obsolètes faisant peu de place à la poésie du 20e siècle. Il souligne par ailleurs l’importance à accorder à la présence d’anthologies en bibliothèque. « Je me suis toujours nourri de la poésie des anthologies. Elles permettent au lecteur, même peu féru de poésie, de butiner, de zapper. L’entrée dans un livre de poésie est très différente de celle du roman. » Selon lui, il est également important de promouvoir les artistes et poètes locaux : « Beaucoup de gens dans une population écrivent de la poésie mais ne la communiquent pas. »
Le poète Jah Mae Kân, qui pratique quant à lui une poésie liée à la recherche d’un langage tambouriné, s’interroge : le média « livre » est-il encore le meilleur canal pour promouvoir la poésie ? Il souligne à ce sujet la vitalité de la poésie orale dans les dialectes. « Dans nos régions du monde, il paraît étonnant de se dire poète sans publier mais le livre écrit peut n’être qu’une étape vers la poésie orale. » Il souligne également l’importance d’ateliers d’écriture qui aboutissent à une performance des participants et juge primordiale d’y intégrer l’aspect collectif de l’écriture.

Les pistes de l’écriture

Ces journées de formation se sont achevées sur un atelier créatif « Plume et Pinceau » animé par Agnès Henrard de la Maison de la poésie d’Amay.
Autour de la poésie d’Yves Namur, l’animatrice a expérimenté avec les participants une série d’outils concrets pour l’animation d’un atelier d’écriture (exercices de mise en confiance, constitution de banque de mots, écriture à partir de l’image…) Au terme de cet atelier, Agnès Henrard a rappelé la possibilité pour la CEC Plume et Pinceau de venir faire des animations dans les bibliothèques, sous forme de cycle ou non, comprenant un volet de travail plastique ou uniquement un travail d’écriture.

Conclusion :

Au terme de ces journées de formation, les participants ont souligné la qualité des intervenants ainsi que la pertinence et la complémentarité des sujets qu’ils ont chacun abordés. Ces journées de formation sont également apparues comme le lieu d’un véritable partage d’expériences de terrain entre intervenants et bibliothécaires. Ces derniers sont repartis avec de nombreux contacts et pistes à explorer.