Publié le 22 octobre 2012, par
,Inviter les jeunes à pénétrer au cœur de l’univers de René Magritte à travers l’observation d’œuvres emblématiques, les sensibiliser à la dimension poétique de cette démarche par la rédaction de petits textes surréalistes et la réalisation de créations graphiques répondant aux critères de ce mouvement pluridisciplinaire : tels furent les objectifs du projet mené par les Ateliers de la Bibliothèque du Centre Multimédia Don Bosco avec une classe de 1ère année de l’Institut Don Bosco de Liège et leur professeur de français.
Certaines formations ont l’art de vous mettre l’eau à la bouche ! A peine la journée terminée, vous voici habité par le sujet abordé. Les pistes de réflexions et d’animations qui vous ont été proposées vous interpellent, vous charment, vous intriguent et aussitôt naît de manière irrépressible l’envie de construire et démarrer un projet en correspondance avec le thème découvert. Cette impression positive, nous l’avons ressentie après avoir suivi la journée de formation « Lire, écrire avec Magritte » organisée en novembre 2011 à Liège et prise en charge par Béatrice Libert.
Au cours de celle-ci, nous avons notamment abordé le thème de la poésie présente dans l’univers de Magritte et expérimenté différentes activités de lecture-écriture en rapport avec son œuvre. Il ne nous restait plus qu’à nous jeter à l’eau et à construire un module d’animations invitant à Lire, écrire et créer avec Magritte ! Ce projet, que nous avons proposé à une classe d’adolescents de 2ème professionnel de l’Institut Don Bosco de Liège, nous a permis, non seulement de restituer les acquis intégrés lors de cette formation mais aussi et surtout de réfléchir à la façon de nous les approprier de manière plus personnelle et ce, en correspondance avec le livre rédigé par la formatrice.(1)
Pour débuter cette animation, nous nous sommes plongés dans un bain d’images afin que les élèves puissent entrer de manière douce dans le paysage pictural de Magritte et ressentir son atmosphère étrange et insolite. Après avoir découvert les œuvres présentées dans les nombreux livres présents sur la table et choisis à la bibliothèque, les jeunes parviennent à un premier constat : la peinture de Magritte cherche à nous étonner !
On propose ensuite aux élèves de se constituer une banque de mots en listant tous les mots cachés qu’ils aperçoivent dans le nom « René Magritte ». Très ludique, cette activité donne lieu à des résultats surprenants : magie, maître, tigre…reinette ! On procède alors à un petit jeu d’écriture. Chacun coche dans sa liste un mot masculin avec lequel il complète la phrase « René Magritte est un… »
Exemple : René Magritte est un rien, René Magritte est un mage…
Bien simple en apparence, ce petit jeu permet aux élèves de comprendre un des ressorts fondamentaux de l’art surréaliste : dans l’écriture comme dans les peintures observées précédemment, la poésie naît d’un choc, de l’étonnement, de l’assemblage conscient ou dû au hasard de deux réalités plus ou moins éloignées.
Pour faire avancer les élèves dans leur découverte de la démarche surréaliste, nous avons recours, lors de notre deuxième animation à une série d’activités de libération de l’écriture proposées par Béatrice Libert dans son ouvrage Au pays de Magritte. Regarder lire écrire créer.(1)
Nous choisissons de pratiquer avec les élèves le dialogue surréaliste. Pour cette activité, la moitié des jeunes reçoit sur un papier la question « Qu’est-ce qu’un(e)… ? » et l’autre moitié un papier reprenant la structure attendue de la réponse « C’est un(e)….. qui…. ». Les premiers reçoivent également une peinture de Magritte qu’ils doivent observer et de laquelle ils tirent le mot qui constituera le cœur de leur question. Les seconds sont invités à recourir à leur boite à mots pour développer leur réponse-définition. Voici, en exemple, quelques dialogues obtenus. Ceux-ci permettent de montrer aux élèves les « complicités inattendues » qui peuvent surgir du hasard de ces jeux.
Au cours de cette troisième animation un nouvel exercice d’écriture est proposé aux élèves : le détournement de biographie. Les élèves reçoivent chacun une feuille présentant un extrait de la biographie de Magritte. Celle-ci a été trouée. Certains mots ont été effacés à l’exception de leur syllabe initiale que les élèves sont invités à compléter par le/les mot(s) de leur choix.
Magritte
Peintre surréaliste qui a débuté comme merveille du monde.
La peinture est pour lui un instant de magie qui aide l’homme à traverser le monde.
Passe avec aisance et naturel du visuel à l’écorce, du regard au surdimensionné, des choses objectives au symbole. Il en résulte une réalité autre, d’une poésie étrange qui se déploie dans un espace de métamorphose. Les titres des tableaux doivent servir à nous séduire et nous enchanter. Ses œuvres jouissent d’une grande renommée à l’inter de Milan.
Outre un partage oral stimulant et apprécié par les élèves, cet exercice permet de s’apercevoir que le choix des mots pour combler la biographie peut cette fois encore relever de la spontanéité et du hasard (le premier mot qui nous vient à l’esprit) mais peut aussi relever du jeu (on recherche alors des mots drôles ou on laisse le choc des mots créer l’effet surprenant). Il en va ainsi de la démarche des surréalistes qui privilégient le rêve, l’inconscient, le hasard mais aussi la liberté.
Une fois cette notion d’association poétique acquise, on en revient à l’observation des œuvres de Magritte que l’on approfondit au moyen de la grille de René Passeron, détaillée par Béatrice Libert dans son ouvrage. Cette grille présente sept critères permettant l’analyse et l’entrée dans une œuvre surréaliste. Nous en avons sélectionné cinq qui ont été expliqués aux élèves sur base d’exemples tirés de l’œuvre de Magritte :
Les élèves reçoivent ensuite une série d’œuvres picturales « magrittiennes » à classer en groupe selon les critères expliqués. Le partage par chaque groupe du classement obtenu permet de s’apercevoir de la pluralité d’interprétation des œuvres de Magritte mais aussi de la variété des procédés qu’il emploie. Ce partage offre également l’occasion de s’interroger plus en profondeur sur chacune des reproductions et d’évoquer ce que chacun y remarque en dehors des critères de la grille : thèmes ou objets récurrents, etc.
Une fois les élèves bien familiarisés avec les critères de la grille de René Passeron, nous leur proposons la création d’un autoportrait surréaliste à partir d’une photographie. Les jeunes reçoivent chacun une feuille présentant la forme détourée de leur visage. Ils sont invités à réfléchir à la manière de réaliser leur portrait surréaliste à la manière de Magritte : créer la surprise, ouvrir un questionnement, utiliser les critères de la grille de Passeron… Pour les aider dans leur réflexion, on commence par observer une série de tableaux de Magritte représentant le corps humain ou la matière de manière surprenante (porte ouverte sur une forêt, profil de l’homme au chapeau rempli de nuages…). Les élèves sont aussi encouragés à rendre compte dans cet autoportrait de l’au-delà des choses, d’une autre réalité, comme cherche à le faire Magritte. Beaucoup vont ainsi tenter de traduire une émotion, une autre réalité d’eux-mêmes plus intérieure (fermeture, peine de cœur, interrogation…) Les jeunes réalisent un projet avant de se lancer dans une réalisation plus aboutie et colorée au pastel sec qui donne de très beaux résultats graphiques. En prolongement, on peut demander aux jeunes de titrer leur autoportrait au moyen d’une phrase qui augmente le mystère et l’étonnement.
Pendant cinq mois d’animations hebdomadaires, ces élèves de l’enseignement professionnel et leur professeur de français, Isabelle Darcis, nous ont accompagnées avec bonheur, étonnements et petits sourires en coin… sur les chemins de la création surréaliste. Au fil de ces animations, les élèves, intrigués par le mystère de l’œuvre de Magritte, ont découvert progressivement une série de caractéristiques de l’art surréaliste et expérimenté la libération des mots et celle de l’image qui conduisent à l’étonnement. Ainsi, peu à peu, ces jeunes, qui n’avaient jamais entendu parler de l’artiste et qui n’ont d’ailleurs aucun cours de création artistique…, se sont réunis telle une Grande famille autour de cette œuvre très complexe mais néanmoins abordable. A l’image du grand oiseau emblématique de l’œuvre du peintre, ils se sont tantôt laissés pousser des ailes pour prendre leur envol, tantôt ils ont amerri sur des eaux dont ils n’avaient jamais soupçonné l’existence… Ainsi, grâce à ce tremplin « magrittien », ils sont passés de façon presque naturelle du statut de découvreurs d’images à celui de créateurs surréalistes.
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