L’Infini livre

Publié le 5 janvier 2015, par Sylvie Hendrickx


Roman d’anticipation ou fable critique sur notre époque, cette fiction met en scène un monde où le livre a perdu toute vocation.

REVAZ Noëlle, L’Infini livre, Editions Zoé, 2014

Jenna et Joanna sont toutes deux des auteures de talent, mais pas au sens où nous pourrions l’entendre aujourd’hui ! En effet, dans un univers futuriste où tout semble désormais reposer sur la vanité et les jeux d’apparences, y compris en ce qui concerne le livre, elles sont davantage créatrices d’objets que de contenu. Il faut dire que les livres ne sont plus guère lus. Véritables boites de Pandore, le geste même de les ouvrir, considéré comme trivial et dangereux, est tombé en désuétude. Sur les plateaux de télévision que les deux jeunes femmes fréquentent assidûment et où elles se posent en rivales, ce sont des livres réduits à leur aspect extérieur et à leur matérialité qui sont largement commentés et décortiqués au service de mises en scène de plus en plus absurdes et vides de sens. Complètement broyées et standardisées par le star-system que constitue désormais l’appareil critique littéraire, Joanna et Jenna vont, dans une quête de subsistance, voir à nouveau s’éveiller en elles l’attrait archaïque et inavouable du contenu caché des livres.

A la fois dérangeant et très esthétique, ce livre nous offre la représentation fine et mordante d’un monde (futuriste ?) où les médias et le métadiscours ont pris une importance capitale en tous domaines qu’il s’agisse de l’amitié, l’éducation, les rapports humains, au point de remplacer l’expérience personnelle et la vie même. En miroir plus ou moins fidèle de nos sociétés modernes, aux accents à la fois étranges et familiers, cet ouvrage interroge avec beaucoup d’inventivité la nature et les vocations profondes du livre, reflet d’une certaine humanité.