Dans les veines ce fleuve d’argent

Publié le 23 avril 2012, par Sylvie Hendrickx


Un récit à l’atmosphère toute en étrangeté et poésie où le souvenir se fait voyage et transmission d’une mystérieuse vérité.

FRANCESCHINI Dario, Dans les veines ce fleuve d’argent, Folio, Gallimard, 2008

Surgie un soir, lancinante, une question, posée quarante-deux ans plus tôt par un ami d’enfance, s’immisce dans la vie de Primo Bottardi. Subitement, étrangement, elle sort des profondeurs et anime ce personnage d’une nouvelle urgence, d’un désir : retrouver ce compagnon parti pour d’autres rives dont il a laissé le questionnement si longtemps sans réponse.

Commence alors pour lui, de Cantarana à Riotto, une remontée du Pô et du fleuve sinueux de la mémoire, l’un et l’autre puissants et tumultueux, gonflés de souvenirs qui ne demandent qu’à retrouver, un instant, l’air libre de la surface. Ce périple de la mémoire l’emmène à la rencontre de personnages hauts en couleur, là où le fleuve exerce de tout temps sa fascination sur les hommes, les nourrit de pêches extraordinaires ou leur prend des vies. Mystérieux, il façonne leur imaginaire et leur être au point de se mettre à « couler dans leurs veines ».

Souvenirs de Primo et souvenirs d’un peuple avec ses générations passées renaissent tour à tour d’une vision, d’une odeur, d’un bruissement retrouvés. Un voyage fait d’anamnèses, de remontées du souvenir, fugace, incertain, précieux et fragile, comme autant de savoureuses petites madeleines proustiennes. Souvenirs quotidiens, drôles, cocasses ou tendres s’éveillent ainsi dans la langue fraiche et musicale du réalisme merveilleux, au service de personnages qui, par leur regard sur la vie, ses embûches et ses petits riens, par leur joie et leur mélancolie, semblent concentrer en eux toute l’humanité.

Un ouvrage finement ciselé où chaque mot compte, crée l’enchantement, et dont la finale à la fois superbe et surprenante vient illuminer d’un jour nouveau la relation intime de l’homme au fleuve. En effet, ces eaux qui charrient déjà tant de souvenirs, portent, en leurs tourbillons, la réponse…