Correspondances autour de l’arbre avec un village du Burkina Faso

Publié le 16 juillet 2014, par Valérie Detry


Aller à la rencontre des enfants d’une petite école villageoise du Burkina Faso avec des classes d’écoles multiculturelles de notre pays, faire dialoguer ces deux univers autour du thème des arbres et du problème de la déforestation par le biais de l’art postal : tels furent les principaux objectifs de ce projet mené au cours de l’année scolaire 2013-2014 au Centre Multimédia Don Bosco de Liège avec des élèves de 5e primaire de l’Institut Saint-Rémi, deux classes de 4e primaire de Don Bosco de Liège et, pour le Burkina Faso, la classe de CM2 de Monsieur Compaore à Bendogo.(1)

Origine du projet

Notre projet est né d’une rencontre, celle du Groupe EsthEtique, plateforme belge de communication de « savoirs vivifiants » (2). L’une de leurs actions, « Burkimayak », vise à créer, au départ du petit village de Bendogo, une bibliothèque vivante centrée sur le développement endogène. Concrètement, des rencontres ont été menées depuis deux ans avec les villageois et ce, dans l’esprit de Pierre Rabhi qui privilégie l’édification d’un monde où l’humain et la nature sont réconciliés. C’est dans ce contexte que s’enracine le projet mené au départ de notre bibliothèque liégeoise. Pour celui-ci nous avons pris comme point de départ le thème de l’arbre qui nous est apparu comme le symbole d’un pont entre la terre et le ciel, là où la correspondance fait pont entre les hommes. C’est pourquoi, à l’heure du sms et des courriels, alors que l’envoi de courrier traditionnel devient un acte rarissime voire suranné, nous avons opté pour la mise en place d’un projet autour de l’art postal qui reste riche de sens, incarné, non virtuel et porteur d’une grande poésie.

1ère rencontre : Faire naître une « Corps est-ce Pont-Danse »

Pour découvrir l’univers des enfants de Bendogo, les classes de Liège ont, dans un premier temps, visionné un film tourné l’année précédente dans leur village et intitulé « Villages en savane » (disponible sur YouTube). Fruit d’une rencontre avec des jeunes du secondaire, ce reportage avait déjà pour objectif d’échanger sur les particularités d’un village burkinabè. Ensuite, pour introduire le thème de l’art postal, le livre On vous écrit de la Terre, Cent enfants du monde s’adressent à vous (éd. Rue du Monde) et surtout l’album Cartes postales d’Anne Brouillard (éd. Du Sorbier) nous ont servi de point d’appui graphique et poétique. C’est ainsi que chaque élève des classes de Don Bosco et Saint-Rémy a écrit une première lettre pour se présenter à ses nouveaux amis. Ce premier échange a débouché sur la prise de conscience que leur propre classe constitue déjà un véritable petit village du monde au travers de toutes les nationalités qui le composent !

2e et 3e ateliers : Création graphique de cartes postales

Emerveillés et profondément touchés par le film Il était une forêt de Luc Jacquet et Francis Hallé qui foisonne de vie et de poésie didactique pour sensibiliser au problème de la déforestation, les enfants sont ensuite invités comme L’homme qui dessinait les arbres (Actes Sud Junior) à dessiner eux aussi, sur leur carte postale, la vie au creux de leur arbre intérieur et ce, au moyen de crayons néocolor aquarellables, de fins marqueurs noirs pour les contrastes ou les nervures de leur arbre et enfin, des timbres du livre Cartes postales d’Anne Brouillard. Le magnifique livre sérigraphié fait main Nurturing Walls (éd. Tara Books) est également utilisé avec des poskas et crayons néocolors blancs ainsi que du brou de noix pour amener les enfants à embellir leurs enveloppes et à les transformer en « cabanes-maisons » à la manière de l’art des femmes Meena.

4e atelier : Ecouter la musique africaine au creux de son arbre

Le conte musical de Toure Kunda, Timbélélé et la Reine lune (éd. Gallimard Jeunesse musique) et l’album musical Tolérance de l’artiste Sidiki Camara ont permis de découvrir la musique africaine, ses djembés, tama, n’goni, balafon… omniprésente pour rythmer et célébrer la vie là-bas. Ainsi, chaque enfant a été invité à partager au dos de sa carte postale à son ami(e) burkinabè la musique intérieure de son arbre… et cela à partir d’une petite structure poétique toute simple.

" Au creux de mon ... (choix d’un nom d’arbre d’ici que l’enfant aime)
ou au creux de ma cabane ... perchée
Il y a pour toi .... » (ajout du nom de son correspondant)

Au Burkina Faso : autour de l’arbre de la rencontre de Bendogo

Suite à cette première série d’animations, nous nous sommes rendus en janvier 2014, au village de Bendogo, où il n’y a pas de poste et encore moins de boîte aux lettres ! Quel émerveillement dans les yeux des enfants au moment de recevoir les cartes postales des enfants de Liège, distribuées au son des tamas, djembé et contes de la forêt autour de l’Arbre à palabres au centre de l’école… Au préalable de cette rencontre, l’instituteur de la classe de CM2, Monsieur Oumarou Compaore, passionné par les plantes médicinales avait réalisé des herbiers avec les enfants pour leur faire découvrir les espèces de leur village. Ensemble, nous les avons collées sur leurs propres cartes postales à envoyer, cette fois, aux correspondants liégeois. Ces cartes ont été confectionnées avec les mêmes techniques naturelles au brou de noix, néocolor blanc, crayons de couleurs et enveloppes brunes comme les cases en terre du village. Chaque enfant a dessiné son arbre guérisseur et écrit selon le schéma : « Chèr (e)…, au creux de mon… qui soigne… Je t’envoie des nouvelles d’Afrique… ». Au moment du départ de ces lettres, les enfants ont symboliquement planté le premier arbre de la forêt d’arbres guérisseurs de l’école qu’ils ont célébré par les danses.

Nouvelles graines au retour à Liège

Nous voici de retour à Liège et, sous les premières pousses printanières, les enfants de Saint-Rémy et de Don Bosco découvrent à leur tour avec joie et étonnement parfois, lors d’une 5e rencontre les lettres remplies de graines et de feuilles d’arbres médicinaux avec l’envie d’en savoir plus sur les arbres de là-bas et d’ici et de planter à leur tour de … nouvelles graines. Et avec celles ramenées de là-bas nous avons joué « en toute simplicité » au jeu traditionnel africain de l’Awalé. Les Contes de la bonne graine de Lionel Hignard (éd. Gulf Stream), l’histoire réelle de Yakouba Sawadogo, l’homme qui a fait refleurir le désert au nord du Burkina et que nous avons eu la chance de rencontrer lors de notre séjour, et le merveilleux livre Joueurs de nature : 45 jeux traditionnels en land art de Marc Pouyet (éd. Plume de Carotte) nous ont accompagnés dans cette dernière découverte d’une culture venue d’ailleurs. Une expérience riche d’ouvertures et de dialogues que nous avons partagée avec les parents en mai 2014.

Valérie Detry
Bibliothécaire-animatrice au Centre Multimédia Don Bosco de Liège

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(1) Merci à Balibi Nagalo, chercheur botaniste ; à Esther Tarbado, Charlemagne Kabore, Issouf Kame, chorégraphes de Ouagadougou ; Jean-Marie Koalga, éducateur-planteur d’arbre et Idrissa Kafando, Directeur de l’école de Bendogo sans qui le projet n’aurait jamais eu lieu.
(2) www.mayak.be et mayak.unblog.fr