Publié le 23 octobre 2008, par
En octobre prochain, le Salon du Livre de Jeunesse de Namur souffle ses dix bougies. En dix ans d’existence, ce Salon s’est petit à petit imposé comme un rendez-vous incontournable pour les passionnés de littérature de jeunesse en Communauté française. Nous avons rencontré Luc Battieuw qui, depuis la naissance de ce Salon, l’a aidé à grandir en veillant, avec le directeur Franck Léglise, à lui façonner une personnalité originale et bien spécifique.
C’est vrai que lorsque l’on visite le Salon du Livre de Jeunesse de Namur, on ressent une importante spécificité.
Impression de collaboration, tout d’abord : un peu comme si, chacun, avec les moyens dont il dispose, se mobilisait pour faire rayonner la littérature de jeunesse au cours de ces cinq journées. Sensation d’assister ensuite à un vaste projet global. Car son organisateur est en effet vigilant à faire de ce Salon un événement à caractère avant tout culturel et à mettre en scène un maximum d’acteurs concernés par la littérature de jeunesse.
Sa recette, on l’imagine, n’est pas simple ! Mobiliser de nombreuses associations, impliquer et conscientiser le monde de l’enseignement que ce soit les normaliens, les bibliothécaires ou les illustrateurs, attirer un large public, du professionnel au familial, tout en relevant le difficile défi d’intéresser un nombre accru d’auteurs, d’illustrateurs et de maisons d’éditions et de faire de ce Salon un partenaire incontournable du tout proche Salon Education !
F.V. Pourriez-vous nous retracer brièvement les origines de cet événement dont la naissance était déjà bien spécifique ?
L.B. C’est vrai que les débuts du Salon du Livre de Jeunesse de Namur ont déjà été très particuliers dans la mesure où il est venu s’ajouter au Salon Education qui existait et fonctionnait déjà depuis cinq années au Palais des Expositions de Namur. C’est l’Association des libraires francophones qui a rencontré le Directeur de People and Places, Frank Léglise, organisateur d’Education afin de créer un grand stand de littérature de jeunesse sur le Salon Education. Mais Franck Léglise a voulu aller plus loin en souhaitant créer un événement autour de la littérature de jeunesse en Communauté française : créer carrément un Salon ! D’emblée, ensemble, ils ont bien cerné les synergies qui pouvaient découler du fait de mettre ces deux manifestations côte à côte. Comme j’organisais l’Espace jeunesse de la Foire du livre de Bruxelles, Franck Léglise m’a contacté pour l’aider à prendre en charge dès la deuxième édition l’organisation du Salon du Livre de Jeunesse. Nous avions désormais dans un même lieu deux Salons, à la personnalité certes différente mais dont la proximité pouvait créer des liens très intéressants.
F.V. Précisément, quelles sont ces synergies ?
L.B. La proximité du Salon Education est très importante pour nous car elle nous permet de joindre le monde de l’enseignement que nous n’aurions pas touché si l’on avait organisé cet événement de manière indépendante. Or je pense qu’il est de plus en plus important de créer des passerelles entre l’univers de l’éducation et celui de la littérature de jeunesse. Tout le monde s’entend en effet aujourd’hui (et le résultat d’enquêtes le prouve), que la présence de bons livres de littérature de jeunesse à l’école est primordiale pour le développement du goût de la lecture auprès des jeunes et de leurs résultats en lecture. Mais ces passerelles ne se font pas de manière naturelle et le monde de l’éducation, surtout au début du Salon, restait un peu frileux à faire le pas en notre direction. Sans cesse, il a fallu encourager, faciliter, provoquer en revoyant par exemple la signalétique. Heureusement, aujourd’hui, les choses ont évolué.
F.V. On sent en effet une grande attention pour le monde de l’enseignement au Salon : que ce soit les enseignants et leurs élèves, les étudiants normaliens, les futurs bibliothécaires, les illustrateurs. Ces liens sont-ils des priorités ?
L.B. Sans aucun doute, cela fait partie de nos priorités.
Ainsi, chaque année, pour l’organisation de nos animations et pour l’accueil, nous collaborons avec les étudiants de la Haute Ecole Namuroise qui forme notamment de futurs bibliothécaires. C’est l’occasion pour nous de les mettre dans le bain et de les sensibiliser à un des aspects du métier de bibliothécaire car celui-ci, plus que jamais, ne se limite pas au comptoir de prêt. Actuellement, on demande toujours plus au bibliothécaire qui doit être aussi animateur. Suite à notre collaboration, nous leur donnons l’opportunité et la chance d’aller sur le terrain. Bien sûr, une préparation encadrée par leur professeur est assurée et une évaluation s’ensuit.
Nous avons une même attention pour le monde de l’enseignement de l’illustration. Ainsi, Dominique Maes, m’a proposé d’inclure ses jeunes étudiants illustrateurs de l’ERG de Bruxelles au programme d’animations. Ceux-ci ont un projet bien original : ils mettent leurs talents au service des visiteurs. Ainsi, non seulement ces jeunes étudiants sont mis en évidence mais ils ont également l’occasion de rencontrer des professionnels : c’est un échange.
F.V. Les animations que vous proposez aux enfants sont-elles également aussi importantes ? Comment les envisagez-vous ?
L.B. Oui, très importantes mais un Salon reste un Salon et ce que nous poursuivons comme objectif est avant tout de créer l’étincelle ou de provoquer des prolongements. Les conditions ne sont en effet pas toujours optimales et une animation en bibliothèque ou en librairie sera de toute façon plus porteuse qu’une animation dans un Salon.
Ainsi, nous préférons mettre davantage d’énergie dans notre travail en amont, dans les écoles de la ville de Namur en collaboration avec la Bibliothèque Centrale de Namur. Cette année, une équipe d’animatrices y a organisé des animations avec les auteurs invités et a réalisé des œuvres créatives qui seront exposées au Salon. Ainsi, la boucle est bouclée : le long terme est davantage mis en avant puisqu’il s’agit d’un travail de plusieurs mois et le contact avec la famille qui viendra voir les réalisations des enfants est assuré.
F.V. Cette vigilance pour le monde de l’enseignement se couple d’une attention particulière pour les différentes associations qui existent en Communauté française et qui font la promotion de la littérature de jeunesse. Cette mobilisation a-t-elle été une des clés de voûte de cet événement ?
L.B. Sans les associations, le projet n’existerait pas. Cela fait aussi partie des spécificités du Salon, cette importante mobilisation qui permet que cet événement ne s’enferme pas uniquement dans du commercial.
Cette synergie permet davantage d’ouverture car ainsi les visiteurs ont l’occasion de rencontrer des acteurs qui pourront les dynamiser et les informer sur le livre de jeunesse. Contalyre, les associations professionnelles de bibliothécaires (APBD et FIBBC), la Ligue des familles, Eclat, le C.L.P.C.F., l’ERG sont nos partenaires privilégiés.
Depuis deux ans, la Communauté française nous aide à mettre en place une politique d’auteurs belges sur le Salon. Une opportunité pour mettre en évidence les créateurs de chez nous et qui prend la relève de l’association AILE qui durant de nombreuses années avait contribué par l’apport de belles expositions de nos illustrateurs.
De plus, depuis quelques années, nous mettons à la disposition de tous un Forum qui s’adresse aux adultes et qui est une vitrine de l’offre en Communauté française. Cela fait aussi partie de notre combat.
F.V Au cœur de ce tourbillon d’implications à caractère non-commercial, quelle est la place des éditeurs ?
L.B. Bien sûr, il faut des éditeurs : leur présence est capitale. Mais ici aussi, nous jouons la carte de la spécificité ! Ainsi, contrairement à d’autres foires ou événements similaires, les stands des éditeurs sont tenus ici par des libraires spécialisés. Ce système nous assure un gage de qualité car nous sommes certains que c’est un spécialiste qui conseille le visiteur.
Mais notre combat par rapport aux maisons d’éditions n’est jamais terminé : certaines n’acceptent de venir qu’un an sur deux, il y a un manque de fidélisation évident. Rien n’est jamais gagné. Notre pays est en effet très petit et certaines maisons d’éditions doivent faire un choix entre la Foire du livre de Bruxelles et Namur. Moi, j’aime répéter que Namur permet de joindre de nombreux enseignants et que cela reste une opportunité à travailler... Il est bon d’insister davantage sur l’effet de levier important que représente la visite des enseignants et il faut savoir qu’un enseignant convaincu à beaucoup plus d’impact qu’un parent convaincu. De plus, on s’aperçoit qu’il y a de plus en plus de professionnels de l’extrascolaire qui essaient aussi de faire aimer la lecture.
F.V. Dix ans, le moment de se retourner un peu en arrière... Quels sont les souvenirs marquants ?
L.B. Certainement, la venue de Claude Ponti car sa présence a inauguré une pratique qui, à l’époque, n’était pas courante sur le Salon : la dédicace et la mise à l’honneur d’une grande personnalité du livre de jeunesse. Aujourd’hui, cette habitude d’accueillir des auteurs et de les faire rencontrer le public s’ouvre de plus en plus mais il y a quelques années, ce n’était pas le cas.
Deuxièmement, il est vrai que la visite de la Princesse Mathilde en 2007 a permis une meilleure reconnaissance par les autorités diverses, qu’elles soient communales, provinciales ou communautaires.
En 2005, nous avons fait un pas supplémentaire en créant les Prix LIbbylit, un moyen de laisser une trace et de reconnaître le travail des créateurs et éditeurs qui nous offrent de beaux livres. Nous sommes très fiers de voir figurer les Prix dans les catalogues des éditeurs.
Autre moment fort et un rêve de plusieurs années, celui de réunir en 2006 les deux communautés de notre pays en accueillant la Communauté flamande et ses créateurs.
En règle générale, je considère que tous les auteurs-illustrateurs qui nous ont fait l’honneur de leur visite sont des événements
F .V. En 10 ans, ce projet a bien évolué : quels seraient les changements marquants que vous auriez envie de souligner ?
L.B. Comme je le disais plus haut, ce qui s’est fortement amélioré, c’est la présence et le soutien des auteurs. En Communauté française en effet, on n’a pas encore cette habitude d’accueillir des auteurs ou des illustrateurs et notre Salon donne au public l’opportunité, la chance de les rencontrer. Je travaille dans ce sens et c’est un des aspects qui est de plus en plus développé car je souhaite que le Salon offre toujours un plus par rapport à ce qui est pratiqué habituellement en bibliothèque.
Deuxièmement, je pense que nous avons fortement amélioré les conditions d’accueil des classes et ce grâce à des améliorations de type logistique mais aussi grâce à l’important travail fourni par les étudiants de la Haute Ecole Namuroise.
Enfin, je tiens à souligner l’évolution positive qui est survenue dans la façon dont le Salon est perçu au niveau Education. ll y a quelques années, le cloisonnement était bien présent. Nous ne l’avons plus aujourd’hui et cela est très positif car il faut continuer à persuader de l’importance de la place de la littérature de jeunesse au sein de l’école.
Sans oublier l’image de notre Salon à l’étranger qui, me semble-t-il, est toujours plus positive.
F.V. Cette année, c’est la fête au Salon ?
L.B. Bien sûr, c’est la fête mais ce n’est pas le thème du Salon ! Je ne veux pas en effet m’enfermer dans une thématique car cela peut devenir trop réducteur.
Ces dix ans, je préfère les envisager dans la continuité. En effet, nous devons rester réalistes, notre Salon reste très jeune si on le compare à d’autres manifestations similaires comme Montreuil qui a trente ans !
Disons que, cette année, nous ferons la fête à des auteurs phares : François Place, Bruno Heitz, Yvan Pommaux et l’illustrateur de l’affiche, Dominique Mwankumi. Et que trois expositions seront présentées dont une en « primeur » : la primeur est un atout que nous devons continuer à travailler. Ainsi, Max Ducos, plébiscité par Le Prix Bernard Versele pour son album Jeu de piste à Volubilis nous revient avec un album tout aussi exceptionnel nous invitant à voyager au musée et dans le monde pictural avec L’ange disparu. Une première pour le Salon !
Les deux autres expositions, mettrons en évidence d’une part le travail de l’illustrateur belge Tom Schamp qui fut le premier à recevoir le Prix LIbbylit, l’occasion de se familiariser avec son monde pictural très coloré, à la fois subtil et naïf. D’autre part le travail de l’illustratrice belge, Myriam Deru, qui ne se contente pas seulement de présenter son travail mais de nous expliquer de façon ludique la construction d’un album.
Enfin, le colloque organisé par le C.L.P.C.F. sous la houlette de Michel Defourny reste, comme chaque année, l’élément porteur pour les professionnels. Cette édition sera consacrée au thème de la petite enfance et s’intitule Des livres dès le berceau. D’autre part, des rencontres avec les auteurs invités seront organisées l’après-midi par Maggy Rayet et Lucie Cauwe.
F.V. Quelques souhaits après ces « dix ans » d’organisation ?
L.B. Bien entendu !
Premièrement, disposer d’une meilleure infrastructure même si des progrès ont été réalisés. J’aimerais également avoir les moyens de modifier notre image par le biais de notre affiche qui devrait être revue.
Fidéliser la présence des éditeurs et nous permettre de présenter des avant-premières. Mais, un de mes souhaits très cher serait, cette année, d’accueillir davantage de bibliothécaires : ce qui devrait être le cas puisque les dates du Salon ne correspondent plus à la Fureur de Lire. Un changement que nous souhaitions et qui devrait permettre aux bibliothécaires d’avoir davantage de latitude pour venir nous rencontrer... Nous les attendons nombreux !
Propos recueillis par Françoise Vanesse
Salon du Livre de Jeunesse de Namur
Du mercredi 15 au dimanche 19 octobre 2008
Namur expo
© FIBBC 2004 - 2024 Politique de Confidentialité