Bande Dessinée : un ambitieux projet de légitimation au sein des Fonds patrimoniaux de la Ville de Liège

Publié le 29 septembre 2023, par Françoise Vanesse


Depuis 2019, les entités muséales de la Ville de Liège ont créé un Centre d’Archives de la Bande Dessinée au sein de leurs Fonds patrimoniaux. Si la conservation d’originaux d’exception ainsi que la valorisation de l’ensemble de la production BD présente au sein des différentes collections de la ville font partie des objectifs primordiaux, on pointera parallèlement le développement d’un projet très original et atypique de valorisation archivistique de la création contemporaine. Une initiative unique en FWB, aux missions didactiques affirmées, dans le but d’une appropriation de ces créations et ce, par tous les publics.

La Bande Dessinée bénéficie aujourd’hui d’une réjouissante légitimation en tant qu’expression artistique à part entière ! Avec, pour conséquence, la prise en considération par certaines entités muséales. La Ville de Liège, détentrice d’une impressionnante collection d’originaux collectés dans les années 70 ainsi que d’un fonds de documents de très haute valeur relatifs à la BD et répartis au sein des trois départements de ses Fonds Patrimoniaux (1), se devait de consacrer une quatrième section au neuvième art. C’est dans ce contexte foisonnant, qu’en 2019, il est décidé de créer un Centre d’Archives de la Bande Dessinée.

Une collection et un trésor

Pour bien intégrer l’impulsion qui donna le jour à ce Centre d’Archives de la Bande Dessinée, remonter quelques années en arrière est éclairant ! En effet, dans les années 70, la Ville fait l’acquisition, sous l’impulsion de l’ASBL Signes et Lettres et de la personnalité politique liégeoise, Jean-Maurice Dehousse, d’une exceptionnelle collection d’originaux parmi lesquels figurent des planches de très grandes pointures qu’il serait inimaginable aujourd’hui pour une institution publique d’acquérir : Hergé, Franquin, Jacobs, Maurice, Peyo, jusqu’à Hermann ou Comès... En 2019, cette collection de planches originales conservée au Cabinet des Estampes et des Dessins de la Ville, est reconnue comme « Trésor de la Fédération Wallonie-Bruxelles » : une grande première pour une collection d’œuvres en Bande Dessinée mais aussi, par conséquent, une importante légitimation de la création dans ce domaine. « Valoriser ce fonds d’exception mais surtout le rendre vivant et accessible au plus grand nombre s’avérait indispensable », explique Fabien Denoël, Attaché spécifique aux Fonds patrimoniaux de la Ville de Liège. Aussi la ville décide-t-elle la création de ce Centre d’Archives de la BD et d’intégrer cette nouvelle section aux missions des Fonds patrimoniaux, structure alors en plein déménagement en 2019 et qui poursuit une importante politique de transversalité au sein de la constitution des collections de ses trois départements : la Bibliothèque Ulysse Capitaine, le Centre de littérature jeunesse et graphique et le Centre de Documentation et de recherche des musées.

Un recensement indispensable et vivifiant

Cette vivifiante création déboucha ensuite sur la nécessité de recenser l’ensemble des documents relevant de la BD présents aux Fonds Patrimoniaux. « En effet, nous avons identifié les documents en lien avec la bande dessinée et créé de nouvelles collections estampillées BD » poursuit Fabien Denoël. « Ainsi, le Centre de littérature jeunesse et graphique détient un fonds de plus ou moins 500 BD avec une très bonne représentation des maisons d’édition contemporaines belge comme le Frémok ou L’Employé du mois ; quand la Bibliothèque Ulysse Capitaine compte des premières éditions d’Hergé, bref quelques pépites, poursuit notre interlocuteur. « Sans oublier, au vu de l’ancrage local de ce fonds, une très bonne représentation des scénaristes et illustrateurs liégeois de Jean-Michel Charlier ou Walthéry à Pierre Bailly et Céline Fraipont pour ne citer qu’eux. Rassembler tous ces documents sous la même enseigne était des plus stimulants ! », conclut-il.

Un fonds archivistique de la création contemporaine

Mais là ne s’arrête pas la dynamique amorcée et les collègues des entités muséales décident ensuite de peaufiner la démarche en développant un projet très original et atypique, unique en Fédération Wallonie-Bruxelles, de valorisation archivistique de la création contemporaine. « En effet, poursuit notre interlocuteur, un original de Bande Dessinée, c’est à la fois une œuvre mais également une archive avec une multitude de croquis, d’essais, d’originaux qui s’inscrivent dans un processus créatif spécifique à chaque artiste. Aussi, découvrir l’ensemble de ces différentes étapes s’avère passionnant », poursuit l’attaché scientifique, tout en nous présentant un coffret sous forme de boitier contenant des planches, carnets de croquis, recherches et découpages ayant donné naissance à l’album Seuls sont les indomptés paru en 2019 chez Sarbacane. Et, tout en découvrant le contenu de ce coffret et grâce aux explications nourries de notre interlocuteur, on s’immerge au cœur des jalons qui ont précédé la création finie, on cerne mieux l’importante du travail en amont, et, dans le cas de cet album, la collaboration entre le scénariste, Max de Radiguès et le dessinateur, Hugo Piette.

Des missions didactiques affirmées

Si l’objectif de conservation patrimoniale est évidemment bien présent au cœur de ce projet de fonds archivistique de la création contemporaine, ses missions didactiques le sont tout autant ! La Ville de Liège possède en effet, sur son territoire, des écoles artistiques avec des sections BD et illustrations très vivantes et reconnues, que ce soit l’Institut Saint-Luc ou l’Académie. Au cœur de cet important vivier, faire bénéficier les étudiants de ce fonds contemporain s’avère une mission primordiale. Le coffret contenant l’ensemble des documents permet en effet une présentation aisée, une appropriation par tout un groupe et une approche tangible et beaucoup plus exhaustive que lorsque l’on visite une exposition avec des originaux sous verre. « En tant qu’entités muséales, nos missions sont en effet bien entendu de conserver et valoriser mais également d’étudier et de mettre à la disposition de tous les publics », poursuit Fabien Denoël tout en insistant sur les nombreuses collaborations qui ont permis la mise sur pied de ce projet. Et qui continuent d’ailleurs, de façon très pertinente, à le nourrir comme en atteste la création d’un comité d’accompagnement composé de différents professionnels spécialisés en BD. Ceux-ci, dans une vivifiante collégialité, apportent leur regard aiguisé dans les différents choix à opérer pour la constitution de ce fonds. Enfin, on notera également que cette initiative oriente judicieusement la politique d’expositions des Fonds Patrimoniaux. Comme en atteste la récente exposition « Simenon : du roman dur à la Bande Dessinée » montée en collaboration avec les éditions Dargaud et dont la volonté était double : présenter des planches originales mais aussi exposer des croquis préparatoires qui mettent en lumière le processus créatif des artistes s’étant emparé de l’œuvre du célèbre romancier liégeois. Quant à la prochaine exposition, « Phylactère 2023. Bande dessinée, patrimoine et création », elle inaugure cette dynamique, présentant un large panel des collections des musées de Liège dédiées à la bande dessinée.

Aux Fonds patrimoniaux, du 29 septembre au 12 janvier prochain :
https://lesmuseesdeliege.be/exposition-phylactere-2023-bande-dessinee-patrimoine-et-creation/


(1) Les trois départements des Fonds patrimoniaux : la Bibliothèque Ulysse Capitaine, le Centre de littérature jeunesse et graphique et le Centre de Documentation et de recherche des musées.

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Fonds patrimoniaux de la Ville de Liège
Féronstrée, 86 - B - 4000 Liège
T. +32 (0)4 221 94 74
www.liege.be
Fabien Denoël, Attaché spécifique