Comment j’ai appris à lire

Publié le 14 octobre 2013, par Sylvie Hendrickx


Décodage par une femme de lettre de l’inavouable et paradoxal désamour des livres qui marqua son enfance.

DESARTHE Agnès, Comment j’ai appris à lire, Stock, 2013

Agnès Desarthe, traductrice et auteur prolifique de romans et d’albums jeunesses, nous confronte au cœur de ce petit livre autobiographique au paradoxe insolite et inavouable qu’a constitué son rapport à la lecture de l’enfance à l’âge adulte : « Je n’aimais pas les livres… »
Enfant volontaire et obstinée, elle décrète en effet très tôt que « Lire ne sert à rien », refuse les lectures officielle et fera son parcours scolaire et universitaire sans lire aucun des livres au programme ! Dans le même temps, elle décide dès dix ans qu’elle sera écrivain ou rien, se dit « hantée par certains mots » et connaît de rares mais fulgurants coups de foudre pour quelques personnalités littéraires (Duras, Camus…). Comment expliquer cette surprenante contradiction de son passé ? « La question est douloureuse, confesse l’auteur, il y a une honte à ne pas lire. » Et pourtant, ce n’est pas dans un aveu murmuré, consenti du bout des lèvres que l’auteur relate ici son apprentissage personnel du rapport à la lecture mais bien avec force et acuité dans une formidable conscience de soi et de son être aux mots. Elle mène l’enquête, creuse en elle, fouille ses représentations, ses souvenirs, des premières lignes d’écriture à l’ennui mortel des après-midi de lecture, pour découvrir enfin ce que pouvait cacher cette terrible phrase écran « Lire c’est mourir un peu ».
Une introspection subtile, grave parfois mais non dénuée d’humour où l’écriture elle-même chemine et interroge une construction identitaire au lourd héritage familiale, surprise de mettre au jour un chemin bien plus complexe et sans doute plus torturé qu’on ne l’aurait imaginé. Le récit passionnant d’une précoce « haine de la lecture » transformée tardivement, sur le fil, en « amour des livres ».