Nirliit

Publié le 3 octobre 2018, par Sylvie Hendrickx


Un plaidoyer vibrant pour le peuple inuit, entre grandeur et misère

LEVEILLE-TRUDEL Juliana, Nirliit, Editions La Peuplade, 2018

A l’image de l’oie sauvage, Nirliit en langue inuite, la narratrice de ce roman migre chaque été du Sud vers le Nord, de sa ville de Québec vers Salluit, petit village isolé de l’Arctique Canadien dont la population inuite précarisée s’autodétruit à petit feu dans l’indifférence, voire le mépris, des « blancs » de la métropole canadienne. Là, elle côtoie durant quelques mois de nombreux enfants délaissés et souvent malmenés au sein d’un univers rude où le chômage, la misère morale et la violence côtoient la beauté fulgurante des paysages du grand Nord. S’adressant à Eva, son amie inuite disparue tragiquement dans les eaux glacées du fjord, elle évoque les destins croisés des habitants du village et plus particulièrement d’Elijah, le fils qu’Eva a laissé derrière elle. A travers ce monologue, elle livre, en chapitres brefs et au gré de ses réflexions, le portrait de tout un peuple à la culture ancestrale et qui fait preuve d’une admirable résilience face aux rigueurs de son environnement mais qui se révèle aujourd’hui en totale perte de repères et dont on ignore trop souvent la situation critique. Dans ce monde de l’extrême, où tout est soit trop beau soit trop éprouvant, on découvre que les drames les plus terribles demeurent ceux du cœur et que les enfants représentent à la fois la plus grande mais aussi la plus fragile richesse. Juliana Léveillé-Trudel travaille dans le domaine de l’éducation au Nunavik, territoire arctique québécois. Elle aurait pu nous décrire son expérience sous la forme d’un témoignage plus prosaïque, elle choisit au contraire de nous livrer un premier roman à l’écriture poétique brute, vibrante et percutante toute en correspondance avec le sujet évoqué. Un cri de colère mais aussi d’amour infini pour les habitants de cette immensité nordique.