Livres voyageurs ! Ganas de participar en un proyecto interesante ?

Publié le 11 juillet 2012, par Françoise Vanesse


Certains projets mis sur pied pour dynamiser la vie d’une bibliothèque et impliquer les lecteurs conjuguent à la fois l’intérêt et le charme. Tel est le cas de « Livre - Echange » proposé par l’équipe de la bibliothèque communale de Ciney qui invite chaque lecteur en partance pour une destination étrangère à emporter dans ses bagages un livre et à aller à la rencontre d’une bibliothèque autochtone afin de procéder à un échange de bouquins !

Le voyage est un thème très porteur ! Il fait rêver mais permet aussi de créer des liens, de nouer des contacts et finalement de mieux se connaitre. Le livre n’est-il pas toujours, à lui seul, un vecteur de voyage ?
Que dire alors d’une bibliothèque et plus précisément de la bibliothèque communale « L’Air Livre » de Ciney ?
Une agence de voyage ?
Et pourquoi pas… ?

Ainsi pourrait débuter l’histoire de « Livre - Echange », ce projet mis sur pied par les bibliothécaires Michèle Alexandre et Maïté Dujeux, toutes deux passionnées de voyages et de grand air… Le point de départ de ce projet remonte à quatre ans, lorsque les deux bibliothécaires se mettent à la recherche d’une idée d’action pour l’opération « Je lis dans ma commune ». « A cette occasion, explique Michèle Alexandre, on essaie toujours, ma collègue et moi, de trouver un projet original, quelque chose qui n’appartient qu’à nous, auquel personne n’a jamais pensé ! Nous aimons bien aussi, il est vrai, nous lancer des défis. C’est ainsi que ce projet de livres voyageurs a vu le jour : nous sollicitons nos lecteurs afin qu’ils échangent dans une bibliothèque étrangère un bouquin que nous leur donnons et ensuite ils ramènent le fruit de leur récolte chez nous, à Ciney ! »

Rapidement, ce projet exige des bibliothécaires une gestion conséquente ! En effet, afin que les lecteurs n’emportent pas leur livre les mains vides…, des dépliants rédigés dans les principales langues étrangères sont préparés. En anglais, allemand, italien, portugais, grec, polonais, espagnol … ils expliquent les aboutissements du projet : « … Representamos a la biblioteca municipal de Ciney, Bélgica. La persona que le ha transmitido esta carta es uno de nuestros embajadores. A travès de él, le invitamos a participar en nuestro proyecto de « Livre-Echange » (« Libro-Cambio »). » Une carte du monde est également accrochée dans la bibliothèque. Elle accueille de petites épingles signalant les endroits où les échanges ont déjà eu lieu.

Mais quel livre emporter ? « C’est nous qui le choisissons, poursuit Michèle. On choisit si possible un livre au format de poche pour la facilité du transport… Ces livres sont originaires de dons ou sont des doubles présents à la bibliothèque ! Priorité est donnée à des auteurs francophones. Dans la mesure de nos possibilités, on essaie de donner des auteurs belges mais ce n’est pas toujours possible. Il est amusant de voir que chacun se positionne différemment dans ce projet ! Certains lecteurs acceptent d’emblée de jouer le jeu et sont très enthousiastes, prêts à remuer ciel et terre pour dénicher une bibliothèque ; d’autres par contre prennent le livre, trouvent le projet intéressant mais procéderont à l’échange s’ils tombent le nez sur la bibliothèque ! »

Certes le projet reste très confidentiel car de petite envergure mais, comme le voyage, il débouche sur de nombreuses pistes … En effet, la force et l’originalité de « Livres-Echanges » résident dans ses objectifs multiples : du plus concret au plus poétique !

Côté concret, il y a bien sûr toutes les informations que les lecteurs rapportent dans leurs bagages et qui nourrissent le travail des bibliothécaires cinassiennes au quotidien ! En évoquant cette question, Michèle Alexandre ouvre un classeur dans lequel sont rangés de nombreux dépliants originaires de bibliothèques visitées par leurs lecteurs : Italie, Espagne, Portugal, Croatie, Crête, Cap Vert… Elle nous présente un livret en italien qui explique aux enfants le fonctionnement de la bibliothèque. « Je le trouve particulièrement sympa ce livre, explique-t-elle. Nous avons pensé réaliser une brochure similaire ici. C’est bien en cela que le projet nous intéresse : il nous donne des idées. Nous aimons particulièrement questionner les lecteurs qui ont réussi l’échange ! Comment était la bibliothèque ? Quelle superficie avait-elle plus ou moins ? Ainsi, cette photo d’un jeune lecteur qui a procédé à un échange en Espagne montre que la bibliothèque n’était pas plus grande que la pièce que vous apercevez sur la photo ! C’est interpellant ! Nous aimons aussi poser des questions sur la situation de la bibliothèque. Nous nous sommes rendu compte par exemple que beaucoup de lieux touristiques disposent de bibliothèques situées tout près des plages : le concept est intéressant et fait rêver aussi … »

Et oui, le rêve ! Voici l’autre versant de ce projet : l’aspect imaginaire et poétique ! « Il est clair que l’objectif de départ n’est pas d’étoffer les collections de livres en langue étrangère, poursuit Michèle Alexandre, car la bibliothèque dispose déjà d’un fonds similaire approvisionné par la Bibliothèque Centrale de la Province de Namur qui développe ce projet de manière très professionnelle. D’autre part, nous étions bien conscientes que les livres que nous allions éventuellement recevoir suite à ces échanges ne seraient sans doute pas des bouquins rédigés dans des langues qui peuvent intéresser les usagers : chez nous, c’est essentiellement l’anglais et le néerlandais. Non, ce qui nous plaît beaucoup plus c’est d’imaginer ce que le livre emporté va devenir, quel sera son parcours, sa destinée. Sera-t-il un jour emprunté ? Quel livre allons-nous recevoir en retour ? La part du rêve est, il est vrai, très prépondérante et nous fait du bien. »

Autre qualité du projet : il témoigne d’un climat de proximité avec les lecteurs. Car ce système n’aurait certes pu être mis en place dans une bibliothèque où les liens avec les usagers ne sont pas serrés, où le dialogue n’est pas cultivé ! « Comme nous connaissons nombre de nos lecteurs, nous échangeons aussi à propos des vacances et au moment de leur départ, nous leur proposons de participer au projet. A leur retour aussi, le dialogue s’installe. Ils nous racontent leur quête de la bibliothèque, comment cela s’est passé, nous montrent des photos. Nous les écoutons et puis nous racontons les périples à d’autres lecteurs et toute une vie s’installe à la bibliothèque autour de ce petit projet. Nous pourrions imaginer de tout retranscrire pour avoir une trace écrite mais nous n’en avons malheureusement pas le temps. »

Au retour, c’est aussi le moment de découvrir le livre reçu ? « A chaque fois, c’est la surprise et une chose est certaine, nous sommes toujours interpellées. Souvent charmées aussi, quand l’alphabet est différent… » Ensuite commence le parcours plus administratif : le livre reçu est encodé et étiqueté, on lui colle une petite vignette qui marque le fait qu’il est arrivé par le biais du projet « Livre - Echange ».

A l’image du voyage, ce projet n’est jamais clôturé, terminé. Il reste toujours de nouvelles terres à conquérir. Ainsi les idées à concrétiser ne manquent pas ! Disposer d’un fonds un peu plus pointu d’auteurs belges, de livres ambassadeurs ? « Belle idée, poursuit notre interlocutrice, mais il faudrait que le projet prenne un peu plus d’ampleur et devienne moins confidentiel. Pour cela, ce qui serait intéressant, c’est que d’autres bibliothèques se lancent dans l’aventure à nos côtés, cela nous tenterait ! Ensemble nous pourrions alors réfléchir, faire plus de choix et nous questionner : quelle image veut-on montrer de la littérature belge à l’étranger ? »

Enfin, dans les bagages de ces bibliothécaires, encore un dernier rêve… pour la route ! Dans le cadre de leur prochain plan quinquennal, celles-ci vont essayer de développer leur opération en partenariat avec une école secondaire de Ciney, l’institut Saint-Joseph, qui a lancé le projet Eurodyssée, basé sur l’échange des élèves de rhéto à l’étranger. « Nous souhaiterions développer aussi notre projet dans ce cadre, leur confier des bouquins et solliciter ces jeunes afin qu’ils recherchent une bibliothèque dans le cadre d’une excursion et procèdent à un échange de livres. Ce projet serait ainsi redynamisé et prendrait un nouveau tournant ».
En tout cas, il continuerait à faire des vagues…

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Bibliothèque communale « L’Air Livre »
Michèle Alexandre et Maïté Dujeux