L’enfant des ténèbres

Regards croisés sur

Publié le 26 août 2008, par Gérard Durieux


Le deuxième appareillage pour cette narration au long cours dans laquelle la romancière anime à nouveau et maîtrise avec talent le récit tourmenté de ces personnages enserrés dans une certaine « main du diable »...

GARAT Anne-Marie, L’enfant des ténèbres, Actes Sud, 2008

En cette année 1933, tous les personnages principaux de Dans la main du diable ont vingt ans de plus.. Autour de Gabrielle et Pierre, figures centrales de cette fresque romanesque, nous les avions suivis avec

passion au fil des événements qui les précipitaient vers la première guerre mondiale.

Nous les retrouvons, confrontés aux différences d’une génération nouvelle, emportés à nouveau par la barbarie qui laminera l’Europe de 1939.

Dans le premier tome de la tétralogie annoncée qui entend traverser le siècle, l’auteur avait magistralement déployé tous les ingrédients du roman historique et redonné tout son éclat à une écriture abondante, précise et riche, à la phrase lente et sinueuse...

Certains ont parlé du style proustien de cette universitaire, enseignante en cinéma, passionnée de photographie qui excelle dans la description minutieuse et l’évocation raffinée des méandres de l’âme. D’autres, à la lire, n’ont pu réprimer un bâillement, la trouvant trop bavarde, trop verbeuse...

Mais pour les inconditionnels de ce prix Femina 92 pour Aden, l’immersion dans ce deuxième volume ravivera les plaisirs d’un style aux mille facettes. La romancière démiurge entraîne à nouveau les enfants épris de contes que nous sommes, dans sa foisonnante narration au long cours. Elle la conduit avec une rare maîtrise de la composition. Et ce tissage quasi diabolique de voix et de destins nous renvoie aux récits des plus grands feuilletonistes qui auraient lu Freud.

Avec L’enfant des ténèbres, Garat continue donc d’inscrire avec brio la trajectoire intime des êtres dans la tourmente implacable de l’Histoire. Adossée à une ample documentation jamais pesante, cette œuvre de fiction nous plonge dans les méandres d’une époque de feu et de sang. Et si, au cœur de ce second récit, Camille Galay affronte le mystère de sa naissance, la magie de ces pages nous offre la chance d’éveiller les silences de notre propre mémoire, car « les romans dorment en nous et délivrent goutte à goutte le secret qu’on est à soi ».