L’écart

Publié le 3 octobre 2018, par Sylvie Hendrickx


Le récit d’une reconstruction personnelle au diapason de la nature

LIPTROT AMY, L’écart, Globe éditions, 2018

Mainland, l’île principale de l’archipel des Orcades, située au Nord de l’Ecosse, est une terre sauvage faite de landes continuellement battues par les vents et par les flots. Les exploitations agricoles y sont bordées par des « écarts », ces bandes côtières où les moutons et les vaches des Highlands paissent en semi-liberté aux côtés des farfadets et autres créatures légendaires qui peuplent les contes insulaires. C’est dans ce cadre naturel exceptionnel qu’a grandi la narratrice de ce récit, goûtant la liberté des flâneries autour de la ferme familiale et le frisson des falaises vertigineuses qui abritent des nichées d’oiseaux marins rares et majestueux. Pourtant, la jeune fille ne s’est jamais sentie parfaitement à sa place, ni au sein de sa famille dont le père souffre de maladie mentale, ni au sein de la population orcadienne dont elle ne partage pas les traits physiques du fait de ses origines « trop anglaises ». Alors, à 18 ans, elle quitte son île pour découvrir, à Londres, la « vraie » vie. Emportée par la frénésie nocturne de la capitale, elle ne tarde pas à sombrer dans l’alcoolisme dont elle explore les affres pendant de longues années. A la suite d’une cure de désintoxication salutaire, la désormais jeune trentenaire revient sur l’archipel, décidée à se reconstruire à travers la redécouverte d’elle-même mais aussi à travers l’exploration de l’incroyable richesse culturelle, historique et ornithologique de ces terres qui l’ont façonnée.

Amy Liptrot vit dans l’archipel des Orcades où elle travaille en tant qu’observatrice pour la Société Royale de protection des oiseaux. Dans ce premier roman à haute teneur autobiographique, elle explore sans complaisance la dépendance alcoolique de son héroïne mais surtout la lente reconquête de sa liberté à travers la sobriété et la communion rédemptrice avec la nature. Un récit à la puissance d’évocation remarquable qui, dans une temporalité éclatée, fait sans cesse se répondre l’expérience londonienne de la narratrice et son cheminement sur île ; les échos de son enfance et son regard d’adulte revenue à la vie.