L’arbre bibliothèque … à la manière d’Hundertwasser

Publié le 15 octobre 2014, par Valérie Detry


Cheminer avec l’arbre pour compagnon d’aventure poétique, sensibiliser les enfants aux correspondances entre leur intériorité et celle de ces êtres de bois, laisser émerger et germer leurs talents créatifs au travers de la réalisation d’un « arbre-bibliothèque réalisé à la manière de l’artiste Hundertwasser : tels furent les objectifs de cette série d’animations qui se sont déroulées l’année scolaire 2009-2010 avec des élèves de quatrième primaire de l’école Don Bosco de Liège dans le cadre d’un projet « Culture-Ecole » en collaboration avec le Centre Multimédia Don Bosco.

Tel L’homme qui plantait des arbres de Giono, nous avons eu la chance de laisser émerger et se déployer, durant une année scolaire, les talents créatifs et poétiques des enfants de quatrième primaire de l’école Don Bosco de Liège. Conçu dans un premier temps par le « Centre Multimédia Don Bosco » dans le cadre des projets Culture-Ecole, ce projet d’une dizaine d’animations s’est ensuite greffé au cœur d’un projet plus vaste de la ville de Liège qui proposait à diverses associations partenaires dont le « CPaje », d’accompagner les enfants à formuler eux-mêmes le monde qui les entoure à l’image de l’artiste visionnaire Hundertwasser.
Ainsi, au-delà de l’accès aux livres, à la peinture et l’architecture, nous avons cherché à retrouver, grâce à la nature, « l’enfant intérieur » qui tente de s’exprimer. Les fruits de cette récolte de mots et d’émotions donnèrent naissance à un livre collectif intitulé Au creux de mon arbre.

Une première étape de cette série d’animations fut consacrée aux racines du projet : découverte de l’univers d’Hundertwasser et des talents des graines de poètes enfouis dans chaque enfant.

Après la lecture de quelques histoires en lien avec la forêt des livres et l’écologie (On lit trop dans ce pays de Pef ; Quand nous aurons mangé la planète, éd. Rue du monde), les enfants ont découvert la structure encore vide d’un meuble ayant la forme d’un « arbre bibliothèque » intégralement réalisé à partir de carton récupéré par l’artiste liégeoise collaboratrice à ce projet, Sarah Ungaro. S’immergeant au moyen d’un montage photos dans l’œuvre de Hundertwasser et de sa philosophie, les enfants ont dégagé sur des panneaux les grandes caractéristiques qui les touchaient dans cette œuvre. Ainsi, est née une première plantation parsemée de mots tout en courbes telles les veines d’un arbre, de petites gouttes telle la sève qui en découle…
Les deux ateliers suivants furent consacrés à un travail sur l’intériorité des participants. Ceux-ci ont tissé des liens entre eux après s’être présentés au moyen d’une réalisation dont ils étaient fiers afin d’offrir leurs talents uniques au groupe. Et telle Hippolène qui, après avoir écouté la voix de toute ses grand-mères dans les racines de L’arbre sans fin de Claude Ponti (Orée d’Otone La tisseuse de contes ou encore Faîtencime-la dénombreuse d’étoiles), chacun s’est choisi un nom d’artiste poétique et l’a inscrit sur des graines en papier collées dans le fond du tiroir de l’arbre bibliothèque. Travaillant poétiquement l’estime de soi des enfants, nous avons ainsi enraciné notre projet dans le terreau fertile de la confiance. Enfin, par petit groupes, les enfants ont décoré le pied de l’arbre avec des mosaïques inspirées des peintures d’Hundertwasser.

Une deuxième étape nous emmena au cœur du tronc…

Les deux animations suivantes furent consacrées à pénétrer au cœur profond de l’arbre. Travaillant d’abord corporellement la respiration dans le ventre de notre propre arbre, telle la sève qui monte à l’inspire et descend à l’expire, nous avons guidé en douceur les enfants dans leur propre intériorité. Puis, suite à un bain de poèmes plus intimistes sur ces êtres de bois, les enfants ont imaginé et dessiné tous les trésors de leur arbre secret, les entourant de lignes superposées comme les différentes nervures d’un tronc. Enfin, chacun a été invité à rédiger un petit poème à partir de quelques inducteurs : Dans le creux de mon arbre… j’aurai une grande boîte pleine de… ; Tu réveilles en moi…

« Au creux de mon arbre
J’aurai une grande boîte pleine d’eau douce comme les nuages
Et d’arc-en-ciel pour accrocher mes racines au ciel » (Dilara)

« Tu réveilles en moi
La joie d’un nuage étoilé
La douceur de l’herbe qui me caresse
La beauté des jours d’été » (Sacha)

Lors d’une troisième étape, nous nous sommes laissé bercer par la lumière des branches…

A travers la lumière des branches de l’arbre bibliothèque, nous avons lu l’histoire d’Haiku le géant des saisons (Alice édition) comme ouverture aux activités graphiques et poétiques. Avec Vivaldi en toile de fond, les enfants se sont rappelé des « souvenirs des quatre saisons » et y ont associé des couleurs chaudes ou froides. Ensuite, au moyen de collage de serviettes teintées ils ont tapissé les branches de leur arbre. Puis, après un nouveau bain lumineux de poèmes lié à la thématique, ils ont écrit sur une feuille d’arbre soit un haïku ; soit un petit poème sur leur saison préférée évoquant leurs souvenirs saisonniers avec une photo ou un tableau d’Hundertwasser.

« J’écris à l’encre rose le parfum des goutes de pluie piquant des pétales de papillons .J’écris à l’encre rose les enfants jouant aux balançoires des fleurs un soir de printemps » (Sarra)

« J’écris à l’encre violette les couleurs chaudes de l’amitié, une étoile de coccinelle jouant en liberté dans l’herbe de l’été » (Lou)

Quatrième étape : L’oiseau m’a prêté sa plume…

Une fois l’arbre bibliothèque terminé, chaque enfant a réalisé son petit carnet relié selon la technique de la reliure japonaise. Cette confection de petits carnets intitulés « Au fil des saisons… », était une façon de garder une trace personnelle de leurs poèmes et de donner envie de poursuivre un chemin en écriture. D’autre part, les deux classes de 4ème primaire réunies ont mis en page un livre collectif Au creux de mon arbre… rassemblant leurs dessins et poèmes composés dans le cœur de l’arbre.

Conclusion : « Célébration et présentation… »

Pâques approchant, les institutrices et instituteurs impliqués dans ce beau projet, Mme Ponsart, Mme bonhomme et Mr Bronne se sont investies pour concocter avec les enfants une présentation de « l’arbre bibliothèque » destinée aux parents. Travaillant ainsi l’oralité et chantant ensemble la célèbre chanson des Poppys « Il faut toujours une fleur, un arbre, pour faire le monde… » avec le soutien de Robert Jeammart de la chorale « pour quelle Fête », soulignant avec le directeur de l’école une fois de plus l’importance et la richesse de telle collaboration « Ecole-Bibliothèque ».

Et pour clôturer en beauté ce projet donneur de vie, une journée, « A la manière d’Hundertwasser », a vu se réunir la dizaine d’associations et écoles de Liège avec le CPaje ayant exploré et reformulé le monde qui les entoure par le biais d’une fresque géante au sol, de divers ateliers créatifs et d’une exposition des créations des enfants dont l’arbre bibliothèque.

Valérie Detry,
Animatrice bibliothécaire au « Centre Multimédia Don Bosco » de Liège.