Il nous faut drainer la colère

Publié le 30 mars 2021, par Sylvie Hendrickx


Entre espoir et révolte, un témoignage militant sur l’accueil de personnes en grande précarité.

MAHIEU Lucie, Il nous faut drainer la colère, Editions Academia, 2021

Témoignage militant, cet ouvrage est celui d’une femme d’actions et de convictions, Lucie Mahieu, employée depuis plus de 30 ans comme assistante sociale puis coordinatrice dans une structure d’accueil pour hommes sans-abri : la Maison Saint-Paul de Mons. Son quotidien la confronte à un flot de fragilités que cet ouvrage entend drainer et ce, grâce à une quarantaine d’articles rédigés tout au long de sa carrière pour le journal de son association et répartis en différentes rubriques : « Coups de gueules », « Coups de cœurs », « Coups durs »… Mais, tout en correspondance avec le poème d’Eluard évoqué dans le titre, il ne suffit pas de « drainer la colère », il faut également « lever le fer » et « préserver la tête haute »  ! Et l’auteure s’y attèle. Car, en effet, si celle-ci dresse un état des lieux sans concession des réalités difficiles et trop souvent méconnues de tout ce secteur essentiel, elle a soin de livrer parallèlement le portrait rempli d’humanité et éloigné de tout cliché de ces hommes marginalisés, qui, malgré leur situation extrêmement précaire, restent des hommes debout. Enfin, elle « lève le fer » en dénonçant le manque de justice sociale de nos sociétés et les incohérences d’un système inadapté à ces publics fragilisés. Aussi, la démarche de ce livre de révolte se révèle-t-elle éminemment constructive car chacun de ses articles se base sur une situation concrète vécue au centre d’accueil pour aboutir à une analyse plus large sur les politiques sociales. Celle-ci est étayée par l’auteure, non seulement grâce à son expérience personnelle mais aussi au moyen de nombreuses sources sociologiques et philosophiques, destinées à ouvrir le regard au travers d’une réflexion solide et d’une grande qualité littéraire. Mais au final, ce livre est déjà celui d’une victoire, celle de ces hommes fragilisés, ces « innocents partout traqués », qui, au travers du regard de Lucie Mahieu et de ces rencontres improbables, nous invitent à mieux entendre leur dignité.