2004 : douche froide pour la Lecture publique


L’année 2004 referme doucement ses portes. Ce mois de décembre a connu quelques affaires au parfum de scandale en Communauté française. Les médias se sont déchaînés, parfois pas aussi innocemment que cela... Ceux qui ont jeté l’opprobre sur des pratiques de Cabinet, en se drapant de vertu, ont semblé soudainement avoir perdu la mémoire de leurs propres comportements lorsqu’ils étaient aux affaires. Les caisses de la Loterie nationale, par exemple, n’en ont plus que le souvenir... Il est plus facile de lancer des accusations populistes que de se battre pour les véritables enjeux de la Communauté : éducation, formation, culture.

La fébrilité politique des derniers jours a laissé place à la traditionnelle trêve des confiseurs, moment de respiration, voire de coup d’œil dans le rétroviseur d’une année écoulée.

Est-ce la morosité ambiante mais j’ai comme un goût amer en bouche en me remémorant 2004.

J’ai le regret de n’avoir pas vu en 2004 se manifester, malgré tout ce qui avait été promis, un véritable soutien à la Lecture publique et au Livre.
Souvenez-vous : en 2002, le plan « Charte d’avenir » annonçait, à grand renfort de campagne médiatique, la revalorisation des missions des bibliothèques publiques. Plusieurs actions urgentes avaient été identifiées, déclarait le Ministre Hasquin, comme, par exemple, l’informatisation des bibliothèques et le réalignement des subventions en personnel sur les autres secteurs de la Communauté. Un budget était prévu : en 2003 une augmentation de 308.000 €, un doublement en 2004 (680.000 €) et 2.046.000 € de plus en 2005. Il nous suffisait d’être patient annonçait le quatuor des Ministres des Lettres de l’époque.

Le vote du budget 2005 nous a enlevé nos dernières espérances.
Entre 2001 et 2005, le budget de la Lecture publique augmente de 2,27% (moins que l’index !) soit 9,8 millions BEF alors que le secteur des Centres culturels progresse durant cette même période de 21,18% (125 millions BEF). Le théâtre suit une évolution de 13.88% (147 millions BEF), la Musique de 23,09% (210 millions BEF), l’Education permanente de 29,49% (217 millions BEF), la Jeunesse de 20,75% (108 millions BEF) ...

J’ai vécu douloureusement en 2004 la mise en application du décret sur l’emploi culturel en Communauté française. Comment accepter que tous les employeurs doivent remplir les mêmes obligations financières édictées par la Commission paritaire 329 alors que leur subvention n’est pas égale : 25.410 € (10 points) pour tous les secteurs sauf la Lecture publique (20.080 € soit 8 points pour les bibliothèques de droit privé et 16.237 € pour les bibliothèques de droit public) ? Comment ne pas être indigné par tous les obstacles administratifs mis en place pour empêcher les bibliothèques de bénéficier de leur juste dû ?

J’ai été stupéfait en 2004 par le peu de questionnement que les résultats de PISA 2003 (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) a généré. Ainsi donc, sur base d’un échantillon d’étudiants nés en 1987 (2.940 furent interrogés pour la Belgique francophone), sur 42 pays, notre Communauté arrive en Lecture à la 30ème place, la Flandre à la 3ème. Le lien avec l’investissement par les pouvoirs publics en bibliothèques n’a jamais été relevé par la presse alors qu’il est réel. Quel regret de ne pas avoir pu bénéficier de cet électrochoc pour doper notre réseau de la Lecture publique !

J’ai le sentiment en 2004 d’avoir été lâché par la Communauté française dans la problématique des droits d’auteur sur le prêt en Lecture publique. Les politiques de tous bords avaient déclaré, main sur le cœur, qu’ils prendraient en charge cette perception pour l’année 2004. L’article permettant cette action a été inscrit dans le budget 2005 mais s’est retrouvé crédité de... 0 € ! Bref, pour 2004, toutes nos bibliothèques passeront, en janvier 2005, à la caisse (1 € par adulte et 0,50€ pour les jeunes). N’était-ce pas l’occasion pour nos gestionnaires publics de donner un signe de leur soutien à l’écrit. Malheureusement, ils ont décidé de ne pas le faire !

Je suis déçu par le fait que le Conseil supérieur des bibliothèques n’ait pas été reçu en 2004 par sa Ministre de tutelle alors qu’il a demandé audience depuis 4 mois et que tous les représentants des autres départements ont été rencontrés parfois plusieurs fois... Je n’en tire aucune conclusion hâtive mais cela m’interpelle...

Mais voilà 2005 avec ses « Etats généraux de la Culture » qui se profilent à l’horizon. Une occasion pour les bibliothèques d’être, enfin, écoutées ? Je ne suis pas optimiste mais il faut vraiment que nous mettions de l’énergie à nous faire entendre... une dernière fois !

Durant cette période de fêtes, les Evêques de Belgique viennent de publier une lettre sur « l’enfant parmi nous ». Une sorte de coup de gueule pour attirer l’attention sur les problèmes vécus par les enfants. Ils y mettent en exergue le droit à l’éducation afin d’éviter que le jeune ne grandisse sans repères humains et éthiques. Je crois que les bibliothèques ont, manifestement, un grand rôle à jouer pour fournir, à tous, les outils permettant de mieux comprendre le monde d’aujourd’hui et de se construire. J’espère que nous aurons les moyens de développer en 2005 cette action et, en attendant, je vous souhaite, comme nos Evêques l’ont fait, de « vivre ce temps de Noël sous le signe de l’enfance authentique »...

Jean-Michel DEFAWE,
Président